homme est fou! Je crois, monsieur le grand
inquisiteur, que nous voici debarrasses du bravache, sans que nous y
soyons pour rien. J'en suis fort aise, car, ainsi, mon bon cousin de
Navarre ne pourra me reprocher d'avoir manque aux egards dus a son
representant.
--Je le crois aussi, sire, repondit d'Espinosa avec son calme accoutume.
--Vous croyez donc, sire, et vous, monsieur, que le sire de Pardaillan
va etre mis a mal par ce fauve? intervint deliberement Fausta.
--Par Dieu! madame, ricana le roi, je ne donnerais pas un maravedis de
sa peau.
Fausta secoua gravement la tete et, avec un accent prophetique qui
impressionna fortement le roi et d'Espinosa:
--Je crois, moi, dit-elle, que le sire de Pardaillan va tuer proprement
cette brute.
--Qui vous fait croire cela, madame? fit vivement le roi.
--Je vous l'ai dit, sire: le chevalier de Pardaillan est au-dessus
du commun des mortels, meme si ces mortels ont le front ceint de la
couronne. Non, sire, le chevalier de Pardaillan ne perira pas encore
dans cette rencontre, et, si vous voulez le frapper, il faudra recourir
au moyen que je vous ai indique.
Le roi regarda d'Espinosa et ne repondit pas, mais il demeura tout
songeur.
Le taureau, cependant, en voyant se dresser soudain devant lui cet
adversaire inattendu, s'etait arrete comme s'il eut ete etonne.
Apres cet instant de courte hesitation, il baissa la tete, visa son
adversaire et, presque aussitot, il la redressa et porta un coup
foudroyant de rapidite.
Pardaillan attendit le choc avec ce calme prodigieux qu'il avait dans
l'action. Il s'etait place de profil devant la bete, solidement campe
sur les pieds bien unis en equerre, le coude leve, la garde de la dague,
longue et flexible, devant la poitrine, la tete legerement penchee a
droite, de facon a bien viser l'endroit ou il voulait Frapper.
Le taureau, de son cote, ayant bien vise son but, fonca tete baissee, et
vint s'enferrer lui-meme.
Pardaillan s'etait contente de le recevoir a la pointe de la dague en
effacant a peine sa poitrine.
Enferre, le taureau ne bougea plus.
Et, alors, ce fut un instant d'angoisse affreuse parmi les innombrables
spectateurs de cette lutte extraordinaire.
Que se passait-il donc? Le taureau etait-il blesse? Etait-il touche
seulement? Comment et pourquoi demeurait-il ainsi immobile?
Et le temeraire gentilhomme, qui semblait mue en statue! Que faisait-il
donc? Pourquoi ne frappait-il pas de nouveau? Atten
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