ues piques
dont le fer, tres aiguise, affectait la forme d'un croissant. C'est ce
que l'on appelait la _media-luna_.
Tout a coup, sans qu'on put savoir par suite de quelle manoeuvre, le
cheval, degage, retombe sur ses quatre pieds, fila ventre a terre, se
dirigeant vers la barriere, comme s'il eut voulu la franchir, tandis que
le taureau poursuivait sa course en sens contraire.
Alors, ce fut la fuite eperdue chez les auxiliaires de Barba Roja,
personne, on le concoit, ne se souciant de rester sur le chemin du
taureau, qui courait droit devant lui.
Cependant, ne rencontrant pas d'obstacle, ne voyant personne devant
elle, la bete s'arreta, se retourna et chercha de tous les cotes, en
agitant nerveusement sa queue. Sa blessure n'etait pas grave; elle avait
eu le don de l'exasperer. Sa colere etait a son paroxysme et il etait
visible--toutes ses attitudes parlaient un langage tres clair, tres
comprehensible--qu'elle ferait payer cher le mal qu'on venait de lui
faire. Mais, devenue plus circonspecte, elle resta a la place ou elle
s'etait arretee et attendit, en jetant autour d'elle des regards
sanglants.
Etant donne les dispositions nouvelles de la bete, etant donne surtout
qu'elle se tenait sur ses gardes, maintenant, il etait clair que la
deuxieme passe serait plus terrible que la premiere.
Barba Roja avait pousse jusqu'a la barriere. Arrive la, il s'arreta
net et il fit face a l'ennemi. Il attendit un instant, tres court, et,
voyant que le taureau semblait mediter quelque coup et ne paraissait pas
dispose a l'attaque, il mit son cheval au pas et s'en fut a sa rencontre
en le provoquant, en l'insultant, comme s'il eut ete a meme de le
comprendre.
--Taureau! criait-il a tue-tete, va! Mais va donc! (Anda! anda!) Lache!
couard! chien couchant!...
Le taureau, sournoisement, epiait les moindres gestes de l'homme qui
avancait lentement, pret a saisir au bond l'occasion propice.
Au fur et a mesure qu'il approchait de l'animal, l'homme accelerait son
allure et redoublait d'injures vociferees d'une voix de stentor. C'etait
d'ailleurs dans les moeurs de l'epoque.
Naturellement, et pour cause, le taureau n'avait garde de repondre.
Mais les spectateurs, qui se passionnaient a ce jeu terrible, se
chargeaient de repondre pour lui. Les uns, en effet, tenaient pour
l'homme et criaient:
"Taureau poltron! Va le chercher. Barba Roja! Tire-lui les oreilles!
Donne-le a tes chiens!
D'autres, au contraire, tenaient po
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