des combattants.
Des lors, tout fut clair pour lui. Il venait d'assister a la manoeuvre
des troupes royales. Maintenant, il voyait la contre-manoeuvre des
conjures achetes par Fausta.
Cette foule de retardataires, parmi lesquels on ne voyait pas une femme,
ce qui etait significatif, occupaient les memes rues, occupees par les
troupes royales. Sous couleur de voir le spectacle, des installations de
fortune s'improvisaient a la hate. Treteaux, tables, escabeaux, caisses
defoncees, charrettes renversees s'empilaient pele-mele, etaient
instantanement occupes par des groupes de curieux.
Et Pardaillan se disait:
"De deux choses l'une: ou bien M. d'Espinosa a eu vent de la
conspiration, et, s'il laisse les hommes de Fausta prendre si aisement
position, c'est pour mieux les tenir qu'il leur reserve quelque joli
coup de sa facon, dans lequel ils me paraissent donner tete baissee. Ou
bien, il ne sait rien et, alors, ce sont ses troupes qui me paraissent
bien exposees."
Ayant ainsi envisage les choses, tout autre que Pardaillan s'en fut
retourne tranquillement, puisque, en resume, il n'avait rien a voir dans
la dispute qui se preparait entre le roi et ses sujets. Mais Pardaillan
avait sa logique a lui, qui n'avait rien de commun avec celle de tout le
monde. Apres avoir bien peste, il prit son air le plus renfrogne, et,
par une de ces bravades dont lui seul avait le secret, il penetra dans
l'enceinte par la porte d'honneur, en faisant sonner bien haut son titre
d'ambassadeur, invite personnellement par Sa Majeste. Et il se dirigea
vers la place qui lui etait assignee.
A ce moment, le roi parut sur son balcon, amenage en tribune. Un
magnifique velum de velours rouge frange d'or, maintenu a ses extremites
par des lances de combat, interceptait les rayons du soleil.
Le roi s'assit avec cet air morne et glacial qui etait le sien. M.
d'Espinosa, grand inquisiteur et premier ministre, se tint debout,
derriere le fauteuil du roi. Les autres gentilshommes de service prirent
place sur l'estrade, chacun selon son rang.
A cote d'Espinosa se tenait un jeune page que nul ne connaissait, hormis
le roi et le grand inquisiteur cependant, car le premier avait honore le
page d'un gracieux sourire et le second le tolerait a son cote, alors
qu'il eut du se tenir derriere. Bien mieux, un tabouret recouvert d'un
riche coussin de velours etait place a la gauche de l'inquisiteur, sur
lequel le page s'etait assis le plus naturellement du
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