ur, d'autant plus que la jeune fille ne pourrait assister au spectacle
que perdue dans la foule.
Mais la Giralda voulait etre la. Elle savait bien que le jeu auquel
allait se livrer son fiance pouvait lui etre fatal. Elle n'eut rien fait
ou rien dit pour le dissuader de s'exposer, mais rien au monde n'eut pu
l'empecher de se rendre sur les lieux ou son amant risquait d'etre tue.
La mort dans l'ame, le Torero dut se resigner a autoriser ce qu'il lui
etait impossible d'empecher. Et la Giralda, paree de ses plus beaux
atours, etait partie avec le Torero pour se meler au populaire.
Naturellement, elle aurait prefere aller s'asseoir sur les gradins
tendus de velours qu'elle apercevait la-bas. Mais il eut fallu etre
invitee par le roi, et, pour etre invitee, il eut fallu qu'elle fut de
noblesse. Elle n'etait qu'une humble bohemienne, elle le savait, et,
sans amertume, sans regrets et sans envie, elle se contentait du sort
qui etait le sien.
Au reste elle avait eu de la chance. La Giralda etait aussi connue,
aussi aimee que le Torero lui-meme. Or, parmi la foule ou elle se
glissait a la suite du Torero, on la reconnaissait, on murmurait son
nom, et, avec cette galanterie outree, particuliere aux Espagnols, avec
force oeillades et madrigaux, les hommes s'effacaient, lui faisaient
place.
C'est ainsi qu'elle etait parvenue au premier rang. Et, chose bizarre,
le hasard voulut qu'elle se trouvat seule a l'endroit ou elle aboutit.
Autour d'elle, elle n'avait que des hommes qui se montraient galants,
empresses, mais respectueux.
Jusqu'aux deux soldats de garde a cet endroit qui lui temoignerent leur
admiration en l'autorisant, au risque de se faire mettre au cachot, a
passer de l'autre cote de la corde, ou elle serait seule, ayant de l'air
et de l'espace devant elle, delivree de l'atroce torture de se sentir
pressee, de toutes parts, a en etouffer.
Un escabeau, apporte la par elle ne savait qui, pousse de main en main
jusqu'a elle, lui fut offert galamment et la voila assise en deca de
l'enceinte reservee au populaire.
En sorte que, seule, en avant de la corde, assise sur son escabeau, avec
les deux soldats, raides comme a la parade, places a sa droite et a sa
gauche, avec ce groupe compact de cavaliers places derriere elle, elle
apparaissait, dans sa jeunesse radieuse, dans son eclatante beaute, sous
la lumiere eblouissante d'un soleil a son zenith, comme la reine de la
fete, avec ses deux gardes et sa cour d'adorat
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