la peine, me dit cette domestique aux moeurs primitives,
allez au bout du vestibule et entrez, vous trouverez le general qui est
en train de _sacrer_.
Sacrer? Si mes levres ne demanderent point en quoi consistait cette
operation, mes yeux surpris parlerent pour moi.
--C'est la douleur qui le fait jurer, continua la vieille servante;
elle a augmente de force cette nuit. Une visite lui fera du bien; ca le
distraira.
Puisque c'etait la l'usage de la maison, je devais m'y conformer: je
suivis donc le vestibule dalle de larges plaques de pierre grise jusqu'a
la porte qui m'avait ete indiquee. Il etait d'une proprete anglaise,
ce vestibule, passe au sable chaque matin comme le pont d'un navire de
guerre, frotte, essuye, et partout sur les murailles brillantes, sur les
moulures luisantes de la boiserie on voyait qu'on etait dans une maison
ou les soins du menage etaient pousses a l'extreme.
Arrive a la porte qui se trouvait a l'extremite de ce vestibule, je
frappai. J'avais espere que ce serait Clotilde qui me repondrait, car je
me flattais qu'elle serait avec son pere; mais, au lieu de la voix
douce que j'attendais, ce fut une voix rude et rauque qui me repondit:
"Entrez."
Je poussai la porte, et avant d'avoir franchi le seuil, mon regard
chercha Clotilde; elle n'etait pas la. La seule personne que j'apercus
fut un vieillard a cheveux blancs qui se tenait assis dans un fauteuil,
la jambe etendue sur un tabouret, et lisant sans lunettes le dernier
volume de l'_Annuaire_.
Je m'avancai et me presentai moi-meme.
--Parfaitement, parfaitement, dit le general sans se lever et en me
rendant mon salut du bout de la main. Je vous attendais, capitaine,
et, pour ne rien cacher, j'ajouterai que je vous attendais avec une
curiosite impatiente, car il n'y a que vous pour m'expliquer ce que ma
fille m'a raconte hier soir.
--C'est bien simple.
--Je n'en doute pas, mais c'est le recit de ma fille qui n'est pas
simple, pour moi au moins. Il est vrai que je n'ai jamais rien compris
aux histoires de femmes; et vous, capitaine? Mais je suis naif de vous
poser cette question; vous etes a l'age ou les femmes ont toutes les
perfections. Moi, je n'ai jamais eu cet age heureux, mais j'ai vu des
camarades qui l'avaient.
Ce langage, que je rapporte a peu pres textuellement, confirma en moi
l'impression que j'avais ressentie en apercevant le general. C'est,
en effet, un homme qu'on peut juger sans avoir besoin de l'etudier
longtem
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