esprit
paisible, il avait tout ce qui fait le bonhomme, et pas d'autre ambition
que d'etre enfin le capitaine et marechal de camp aux gardes suisses
d'une compagnie dont il etait depuis longtemps le lieutenant.
Et si lasse etait Mlle de Launay de tant d'emotions et de revolutions
dans cette petite cour, qu'elle accepta volontiers la main de ce brave
homme, en se chargeant de demander, pour sa dot, ce brevet de capitaine
dont il faisait les fonctions depuis tantot deux annees. Cette fois
encore, il fallut s'attaquer a la duchesse du Maine, implorer sa bonne
grace, et lui faire accepter les propositions de ce vieil officier, tres
sage et tres prudent, qui voulait bien se marier, mais a condition qu'au
prealable on le bombarderait au grade objet de son envie. A la fin,
et comme aussi le duc du Maine l'exigeait, la princesse accepta cette
alliance; elle consentit, et le duc du Maine, ayant obtenu le brevet du
baron de Staal, donna a la mariee une belle tabatiere, une belle robe et
sa main a baiser. M. de Staal, en revanche, offrit au maitre de Sceaux
un agneau de sa bergerie.
A la fin les voila maries et retires bientot dans leur maison des
environs de Paris. Sous ces modestes ombrages, dans ces prairies dont la
limite etait bien etroite, a cote de ce mari qui ne savait que raconter
les petites guerres qu'il avait faites et les petits evenements dont
il avait ete le temoin, Mme de Launay, calme et resignee, ecrivit
les Memoires de sa vie. Elle eut grand soin, dans cette tache assez
dangereuse, de n'en montrer que les beaux cotes; elle voulait paraitre
aimable, afin de laisser d'elle-meme et de son passage ici-bas un bon
souvenir. Cependant nous avons retrouve un portrait qu'elle avait ecrit
de sa main, et qui la montre a peu pres telle qu'elle etait, l'heure
n'etant pas venue encore ou l'on arriverait a ecrire en toutes lettres
et sans y rien omettre, non pas meme la honte et le mepris, ses propres
confessions. On ne lira pas sans interet les deux pages que voici:
"Mlle de Launay est de moyenne taille, assez maigre, et desagreable au
premier abord. Son caractere et son esprit sont comme sa figure; il n'y
a rien de travers, mais aucun agrement. Sa mauvaise fortune a beaucoup
contribue a la faire valoir. La prevention ou l'on est que les gens
depourvus de naissance et de bien ont manque d'education fait qu'on leur
sait gre du peu qu'ils valent; elle en a pourtant eu une excellente, et
justement elle en a tire ce qu'elle
|