Fleche, mais avec bien
autrement de soleil, d'aisance et d'agrements. Et quant a la
ressemblance avec l'_Arcadie_ et le pays de Celadon, que l'ecrivain
anglais signale avec quelque malice, lui, il ne s'en effarouche
aucunement, car il est persuade, dit-il, "que dans l'_Arcadie_ et dans
le pays de Forez, avec des principes de justice et de charite, tels que
la fiction les y represente, et des moeurs aussi pures qu'on les suppose
aux habitants, il ne leur manquoit que les idees de religion plus justes
pour en faire des gens tres-agreables au Ciel[100]."
[Note 100: On peut lire a ce sujet une gracieuse lettre de
Mademoiselle, cousine de Louis XIV, a madame de Motteville, ou elle
trace a son tour un plan de solitude divertissante qui se ressent
egalement de l'_Astree_, et qui d'ailleurs fait un parfait pendant a
l'ideal de Prevost d'apres Cassiodore, par un couvent de carmelites
qu'elle exige dans le voisinage.]
Apres six annees d'exil environ, Prevost eut la permission de rentrer en
France sous l'habit ecclesiastique seculier. Le cardinal de Bissy qui
l'avait connu a Saint-Germain, et le prince de Conti, le protegerent
efficacement; ce dernier le nomma son aumonier. Ainsi retabli dans la
vie paisible, et desormais au-dessus du besoin, Prevost, jeune encore,
partagea son temps entre la composition de nombreux ouvrages et les
soins de la societe brillante ou il se delassait. Le travail d'ecrire
lui etait devenu si familier que ce n'en etait plus un pour lui: il
pouvait a la fois laisser courir sa plume et suivre une conversation.
Nous devons dire que les ecrits volumineux dont est remplie la derniere
moitie de sa carriere se ressentent de cette facilite extreme degeneree
en habitude. Que ce soit une compilation, un roman, une traduction de
Richardson, de Hume ou de Ciceron qu'il entreprenne; que ce soit une
_Histoire de Guillaume-le-Conquerant_ ou une _Histoire des Voyages_,
c'est le meme style agreable, mais fluidement monotone, qui court
toujours et trop vite pour se teindre de la variete des sujets. Toute
difference s'efface, toute inegalite se nivelle, tout relief se polit
et se fond dans cette veine rapide d'une invariable elegance. Nous
ne signalerons, entre les productions dernieres de sa prolixite, que
l'_Histoire d'une Grecque moderne_, joli roman dont l'idee est aussi
delicate qu'indeterminee. Une jeune Grecque d'abord vouee au serail,
puis rachetee par un seigneur francais qui en voulait faire sa
maitresse, r
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