res livres, il l'a fait
de bonne grace, et ne s'est pas chicane sur les eloges. Je trouve,
dans le nombre 36, tome III, un compte rendu de _Manon Lescaut_ qui se
termine ainsi: ".... Quel art n'a-t-il pas fallu pour interesser le
lecteur et lui inspirer de la compassion par rapport aux funestes
disgraces qui arrivent a cette fille corrompue!... Au reste, le
caractere de Tiberge, ami du chevalier, est admirable... Je ne dis
rien du style de cet ouvrage; il n'y a ni jargon, ni affectation, ni
reflexions sophistiques; c'est la nature meme qui ecrit. Qu'un auteur
empese et farde paroit fade en comparaison! Celui-ci ne court point
apres l'esprit ou plutot apres ce qu'on appelle ainsi. Ce n'est point un
style laconiquement constipe, mais un style coulant, plein et expressif.
Ce n'est partout que peintures et sentiments, mais des peintures vraies
et des sentiments naturels[99]." Une ou deux fois Prevost fut appele sur
le terrain de la defense personnelle, et il s'en tira toujours avec
dignite et mesure. Attaque par un jesuite du _Journal de Trevoux_ au
sujet d'un article sur Ramsay, il repliqua si decemment que les jesuites
sentirent leur tort et desavouerent cette premiere sortie. Il releva
avec plus de verdeur les calomnies de l'abbe Lenglet-Dufresnoy; mais sa
justification morale l'exigeait, et on doit a cette necessite heureuse
quelques-unes des explications dont nous avons fait usage sur les
evenements de sa vie. Ce que nous n'avons pas mentionne encore et ce qui
resulte, quoique plus vaguement, du meme passage, c'est que, depuis son
sejour en Hollande, Prevost n'avait pas ete gueri de cette inclination
a la tendresse d'ou tant de souffrances lui etaient venues. Sa figure,
dit-on, et ses agrements avaient touche une demoiselle protestante d'une
haute naissance, qui voulait l'epouser. _Pour se soustraire a cette
passion indiscrete_, ajoute son biographe de 1764, Prevost passa en
Angleterre; mais comme il emmena avec lui la demoiselle amoureuse, on
a droit de conjecturer qu'il ne se defendait qu'a demi contre une si
furieuse passion. Lenglet l'avait brutalement accuse de s'etre laisse
enlever par une belle: Prevost repondit que de tels enlevements
n'allaient qu'aux _Medor_ et aux _Renaud_, et il exposa en maniere de
refutation le portrait suivant, trace de lui par lui-meme: "Ce _Medor_,
si cheri des belles, est un homme de trente-sept a trente-huit ans,
qui porte sur son visage et dans son humeur les traces de ses anciens
ch
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