on amante, ils etaient, lui et
elle, dignes d'envie, _et que des peines causees par la fidelite et la
tendresse meritaient le nom du plus charmant bonheur_. Au reste, _le
Doyen de Killerine_ est peut-etre de tous les romans de Prevost celui ou
se decele le mieux sa maniere de faire un livre. Il ne compose pas avec
une idee ni suivant un but; il se laisse porter a des evenements
qui s'entremelent selon l'occurrence, et aux divers sentiments qui,
la-dessus, serpentent comme les rivieres aux contours des vallees.
Chez lui, le plan des surfaces decide tout; un flot pousse l'autre;
le phenomene domine; rien n'est concu par masse, rien n'est assis ni
organise.
_Le Pour et Contre_, "ouvrage periodique d'un gout nouveau, dans lequel
on s'explique librement sur ce qui peut interesser la curiosite du
public en matiere de sciences, d'arts, de livres, etc., etc.,
sans prendre aucun parti et sans offenser personne," demeura
consciencieusement fidele a son titre. Il ressemble pour la forme aux
journaux anglais d'Addison, de Steele, de Johnson, avec moins de fini et
de soigne, mais bien du sens, de l'instruction solide et de la candeur.
Quelques numeros du plagiaire Desfontaines et de Lefebvre-de-Saint-Marc,
continuateur de Prevost, ne doivent pas etre mis sur son compte. La
litterature anglaise y est jugee fort au long dans la personne des plus
celebres ecrivains; on y lit des notices detaillees sur Roscommon,
Rochester, Dennys, Wicherley, Savage; des analyses intelligentes et
copieuses de Shakspeare; une traduction du _Marc-Antoine_ de Dryden, et
d'une comedie de Steele. Prevost avait etudie sur les lieux, et admirait
sans reserve l'Angleterre, ses moeurs, sa politique, ses femmes et son
theatre. Les ouvrages, alors recents, de Le Sage, de madame de Tencin,
de Crebillon fils, de Marivaux, sont critiques par leur rival, a mesure
qu'ils paraissent, avec une surete de gout qui repose toujours sur un
fonds de bienveillance; on sent quelle preference secrete il accordait
aux anciens, a D'Urfe, meme a mademoiselle de Scudery, et quel regret il
nourrissait de _ces romans etendus, de ces composes enchanteurs_; mais
il n'y a trace nulle part de susceptibilite litteraire ni de jalousie
de metier. Il ne craint pas meme a l'occasion (generosite que l'on aura
peine a croire) de citer avantageusement, par leur nom, les journaux
ses confreres, _le Mercure de France_ et _le Verdun_. En retour, quand
Prevost a eu a parler de lui-meme et de ses prop
|