e Salem veut
le convertir au Coran; et comme le marquis, en bon chretien, s'eleve
contre l'impurete sensuelle sanctionnee par Mahomet, Salem lui fait
le raisonnement que voici: "Dieu, n'ayant pas voulu tout d'un coup se
communiquer aux hommes, ne s'est d'abord fait connoitre a eux que par
des figures. La premiere loi, qui fut celle des Juifs, en est remplie.
Il ne leur proposoit, pour motif et pour recompense de la vertu, que des
plaisirs charnels et des felicites grossieres. La loi des chretiens, qui
a suivi celle des Juifs, etoit beaucoup plus parfaite, parce qu'elle
donnoit tout a l'esprit, qui est sans contredit au-dessus du corps...
C'est un second etat par lequel ce Dieu bon a voulu faire passer les
hommes... Et maintenant enfin ce ne sont plus les seuls biens du corps,
comme dans la loi des Juifs, ni les seuls biens spirituels, comme dans
l'Evangile des chretiens, c'est la felicite du corps et de l'esprit que
l'Alcoran promet tout a la fois aux veritables croyants." Il est curieux
que Salem, c'est-a-dire notre abbe Prevost, ait concu une maniere
d'union des lois juive et chretienne au sein de la loi musulmane, par un
raisonnement tout pareil a celui qui vient d'etre si hardiment developpe
de nos jours dans le saint-simonisme.]
[Note 97: Je trouve dans les lettres de mademoiselle Aisse (1728):
"Il y a ici un nouveau livre intitule _Memoires d'un Homme de qualite
retire du monde_. Il ne vaut pas grand'chose; cependant on en lit 190
pages en fondant en larmes." Ce n'est que de la premiere partie des
_Memoires d'un Homme de qualite_ que peut parler mademoiselle Aisse; 190
pages qu'on lit en fondant en larmes, n'est-ce donc rien?]
[Note 98: Il est question dans la _Cleopatre_ de La Calprenede d'une
grande dame que Tiridate sauve a la nage, au moment ou elle se noyait
pres du rivage d'Alexandrie, et qui se trouve etre _une des plus
importantes personnes de la terre_.]
J'aime beaucoup moins le _Cleveland_ que les _Memoires d'un Homme de
qualite_: dans le temps on avait peut-etre un autre avis; aujourd'hui
les invraisemblances et les chimeres en rendent la lecture presque aussi
fade que celle d'_Amadis_. Nous ne pouvons revenir a cette geographie
fabuleuse, a cette nature de _Pyrame et Thisbe_, vaguement remplie de
rochers, de grottes et de sauvages. Ce qui reste beau, ce sont les
raisonnements philosophiques d'une haute melancolie que se font en
plusieurs endroits Cleveland et le comte de Clarendon. L'examen a
peu
|