premier coude de la route, Bussi-Leclerc,
Chalabre, Montsery, Sainte-Maline, Montalte entourerent la litiere, avec
des jurons et des imprecations, et Montalte gronda:
--Pourquoi, madame, pourquoi nous avoir empeches de charger ce truand?
Fausta les considera un instant avec dedain, et:
--Pourquoi?... Parce que vous trembliez de peur, messieurs.
--Madame, il en est encore temps!... Un mot et cet homme n'arrive pas au
bas de la montagne.
--Oui? Eh bien, essayez...
Et, du doigt, elle leur designait Pardaillan, qui reapparaissait au pas
sur la route en lacet.
Humilies par le dedain qu'elle leur manifestait, exasperes jusqu'a la
fureur par le dedain, encore plus outrageant de celui qui s'en allait
la-bas, sans avoir meme paru remarquer leur presence, ils se ruerent en
se bousculant, grondant de sourdes menaces.
Cependant, Fausta, avec un sourire etrange, prenait les attitudes
de quelqu'un qui se dispose a assister commodement a un spectacle
interessant.
Les cinq gardes du corps de Fausta s'etaient elances pele-mele, a la
poursuite de Pardaillan. La route, en se retrecissant, les obligea a
se mettre en file, et voici quel etait l'ordre de marche etabli par le
hasard. En tete, Bussi-Leclerc, puis Sainte-Maline, Chalabre, Montsery,
et, fermant la marche, Montalte.
Pardaillan, lui, se trouvait a un angle de la route ou il y avait une
minuscule plate-forme.
Lorsqu'il entendit derriere lui le pas des chevaux, il se retourna:
--Tiens! c'est ce brave Bussi-Leclerc, et les trois mignons que j'ai
tires de la Bastille, et celui-la que je ne connais pas!... Pourquoi
diable Fausta les a-t-elle empeches de me charger la-haut? Ils y avaient
de la place, au moins, tandis qu'ici...
Posement, il fit faire volte-face a son cheval et l'accula contre la
paroi du chemin, la croupe presque appuyee contre d'enormes quartiers
de roches eboules. Ainsi place, il avait devant lui le sentier par ou
venait Bussi; derriere, les roches qui lui faisaient un rempart; a sa
gauche, il avait le flanc de la montagne et, a sa droite, le precipice.
On ne pouvait donc l'attaquer que de front et un a un.
Son epee degagee, il attendit, et, lorsque Bussi-Leclerc ne fut plus
qu'a quelques pas de lui:
--Eh! monsieur Bussi-Leclerc, ou courez-vous ainsi?... Est-ce apres la
lecon d'escrime que je vous promis voici quelques mois?
--Miserable fanfaron! hurla Leclerc, en chargeant, attends, je vais te
donner la lecon que tu merites, moi!
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