us avez repris vos allures de gentilshommes. Avouez que cela vous sied
mieux que le piteux equipage dans lequel je vous rencontrai. Mais prenez
votre repas... Je boirai un verre de ce petit vin blanc avec vous.
Et, quand Bussi-Leclerc se fut assis devant le verre plein:
--Maintenant, monsieur de Bussi-Leclerc, nous attendons que vous nous
fassiez connaitre a quel service vous nous destinez, fit Montsery.
--Messieurs, avez-vous entendu parler de la princesse Fausta?
--Fausta! s'exclama Sainte-Maline d'une voix etouffee. Celle qui,
dit-on, faisait trembler Guise?
--Celle qui etait, chuchotait-on, la Papesse.
--Fausta! qui concut et crea la Ligue... Fausta, qu'on appelait la
Souveraine... Eh bien, messieurs, c'est a son service que j'entends vous
faire entrer... Acceptez-vous?
--Avec joie, monsieur! Nous etions au service d'un souverain, nous
serons au service d'une souveraine.
--Quel sera notre role aupres de la princesse?
--Le meme qu'aupres de Henri de Valois... Vous etiez charges de veiller
sur la personne du roi; vous veillerez sur celle de Fausta.
--Nous acceptons ce role, monsieur de Bussi-Leclerc... Mais la princesse
a donc des ennemis si puissants, si terribles, qu'il lui faut trois
gardes du corps tels que nous?
--Ne vous ai-je pas prevenus?... Il y aura bataille.
--Il vous reste a nous designer ces ennemis.
--La princesse n'a qu'un ennemi, dit Bussi.
--Un ennemi!... Et on nous engage tous les trois! Vous voulez
plaisanter?
--Non monsieur de Chalabre. Et j'ajoute: malgre tous nos efforts reunis,
je ne suis pas sur que nous en viendrons a bout! fit Bussi d'un ton
grave.
--C'est donc le diable en personne?
--C'est celui qui, detenu a la Bastille, a enferme le gouverneur a sa
place, dans son cachot; c'est celui qui, ensuite, s'est empare de la
forteresse et a delivre tous les prisonniers. Et vous le connaissez
comme moi, car, si j'etais le gouverneur, vous etiez, messieurs, au
nombre de ces prisonniers.
--Pardaillan!
Ce nom jaillit des trois gorges en meme temps, et, au meme instant, les
trois furent debout, se regardant, effares.
--Je vois, messieurs, que vous commencez a comprendre qu'il n'est plus
question de plaisanter.
--Pardaillan! C'est lui que nous devons tuer?...
--C'est lui!... Pensez-vous encore que nous serons trop de quatre?
--Pardaillan!... Oh! diable!... Nous lui devons la vie, apres tout.
--Oui, mais tu oublies que nous avons acquitte notre dette.
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