tile pour repousser toutes les objections et toutes les
moqueries de son adversaire. Horace voulait aussi la republique, mais
il la voulait au profit des talents et des ambitions. Il disait que
le peuple trouverait le sien a remettre ses interets aux mains de
l'intelligence et du savoir; que le devoir d'un chef serait de
travailler au progres intellectuel et au bien-etre du peuple; mais il
n'admettait pas que ce meme peuple dut avoir des droits sur l'action
des hommes superieurs, ni qu'il put en faire un bon usage. Beaucoup
d'aigreur entrait souvent dans ces discussions, et le grand argument
d'Horace contre les democrates bourgeois, c'est qu'ils parlaient
toujours, et n'agissaient jamais.
Quand il eut acquis la preuve que Laraviniere jouait un role actif, ou
etait pret a le jouer, il concut pour lui plus d'estime, et se repentit
de l'avoir blesse. Tout en continuant de contester le principe d'une
revolution en faveur du peuple, il crut a cette revolution, et desira
n'y prendre part, afin d'y trouver de la gloire, des emotions, et un
essor pour son ambition trompee par le regime constitutionnel. Il
demanda a Jean sa confiance, se reconcilia avec lui; et, soit qu'il
y eut alors une apparence de sympathie chez les masses, soit que
Laraviniere se fit des illusions gratuites, Horace crut a un mouvement
efficace, s'engagea par serment aupres de Jean a s'y jeter au premier
appel, et se tint pret a tout evenement. Il se procura un fusil, et fit
des cartouches avec une ardeur et une joie enfantines. Des lors il fut
plus calme, plus sedentaire, et d'une humeur plus egale. Ce role de
conspirateur l'occupait tout entier. Ce role ranimait son espoir abattu;
il le vengeait secretement de l'indifference de la societe envers lui;
il lui donnait une contenance vis-a-vis de lui-meme, une attitude
vis-a-vis de Jean et de ses camarades. Il aimait a inquieter Marthe, a
la voir palir lorsqu'il lui faisait pressentir les dangers auxquels il
brulait de s'exposer. Il se pleurait aussi un peu d'avance, et repandait
des fleurs sur sa tombe; il fit meme son epitaphe en vers. Quand il
rencontra madame la vicomtesse de Chailly a l'Opera, et qu'elle le salua
fort legerement, il s'en consola en pensant qu'elle viendrait peut-etre
l'implorer lorsqu'il serait un homme puissant, un grand orateur ou un
publiciste influent dans la republique.
Soit que les evenements qui approchaient ne fussent pas prevus par
d'autres que par lui, soit que des circonstan
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