e me levai et m'ecriai: "Malheureux! pouvez-vous croire
que celle qui a ecrit une semblable lettre n'avait pas une ame?"
Il garda le silence et ses larmes coulerent plus abondamment. Le
lendemain, il fit appeler le vieux pretre et eut avec lui un long
entretien. Le surlendemain, j'appris qu'il avait recu les sacrements.
Il vecut encore une semaine. Sa froideur polie n'etait qu'un masque
cachant un coeur egare sans doute, mais bon et genereux. Il mourut
entre les bras du vieux pretre et les miens, couvrant de baisers les
pieds du crucifix et la lettre de sa mere.
* * * * *
12.--UNE PREMIERE COMMUNION A QUATRE-VINGTS ANS
C'etait en juillet 1875. Dans un petit village du canton de Castillon,
diocese de Bordeaux, vivait un pauvre vieux menage octogenaire. Le
mari etait un impie, connu pour tel dans le pays; il n'allait pas
meme a la messe le dimanche. Helas! il n'avait pas fait sa premiere
communion. La bonne femme, au contraire, avait toujours ete
chretienne, et, avec l'age, elle etait devenue tres pieuse.
Bien des fois elle avait essaye de faire entendre raison a son mari,
qui l'aimait beaucoup; mais des qu'elle abordait le chapitre de la
confession et de la communion, elle etait invariablement repoussee.
Un jour elle tomba malade. Le medecin constata bientot la gravite du
mal, et engagea la bonne vieille a mettre ordre a ses affaires. Elle
n'eut pas de peine a se resigner, mais son pauvre mari etait comme
atterre par la perspective de la separation. Il etait a moitie
paralyse et cloue, a l'autre bout de la chambre, dans un grand
fauteuil, regrettant tout haut de ne pouvoir donner a la chere malade
les soins que reclamait son etat.
La bonne femme etait, elle aussi, tres desolee, mais pour un motif
tout autre: elle pleurait et priait, profondement attristee de laisser
derriere elle, non converti et dans un aussi pitoyable etat de
conscience, celui qui avait ete le compagnon de fa vie pendant de si
longues annees. Au moment de recevoir les sacrements, elle tenta une
derniere fois, mais en vain, de ramener son mari au bon Dieu.
Cependant celui-ci suivait avec angoisse les progres du mal Quand il
crut que les derniers moments approchaient, il appela deux voisins
et leur dit en sanglotant: "Mes amis, portez-moi aupres de ma pauvre
femme pour que je l'embrasse avant sa mort et pour que je lui dise
adieu." Le lit ou gisait la moribonde etait un de ces grands lits
d'autref
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