mis d'essayer.
Le lendemain, je m'efforcai de faire causer mon malade et, comme il
s'y pretait d'assez bonne grace, j'amenai la conversation sur le
terrain religieux; le jeune homme s'en apercut et me dit d'un ton
ferme:
--Je vous en prie, monsieur, ne me parlez pas de religion; je n'y
crois pas.
--Vous croyez au moins a l'existence de l'ame?
--Je crois a l'opium, dit-il en souriant, et au sommeil.
Et il prit la position d'un homme qui essaie de dormir.
A quelques jours de la, je fis une seconde tentative, qui tourna plus
mal encore que la premiere.
--Ecoutez, docteur, me dit le malade, j'ai etudie un peu de
philosophie, et j'en sais assez pour ne pas croire a l'existence de
l'ame.
Et il se mit a developper quelques-uns des arguments de l'ecole
materialiste.
Ces erreurs, qui m'auraient choque dans la bouche d'un professeur
eloquent, me parurent, dans cette mansarde et sur les levres de ce
mourant, revoltantes et monstrueuses. Je sortis navre.
Cependant nous continuions, le vieux pretre et moi, a soigner, sans
plus de succes l'un que l'autre, le corps et l'ame de ce malade.
Le corps marchait a grands pas au tombeau. L'ame s'en allait a la
perdition eternelle.
Un jour que je posais a ce jeune homme une ventouse, j'eus besoin d'un
morceau de papier; j'apercus une espece de lettre posee a cote de son
chevet, je la pris et j'allais m'en servir lorsque le jeune homme me
saisit brusquement la main et m'arracha la lettre. Un peu surpris, je
dechirai une feuille a un vieux livre et je fis mon operation.
Le soir du meme jour, je retournai voir mon client qui baissait de
plus en plus. Je l'apercus tenant a la main et s'efforcant de lire la
lettre que j'avais voulu bruler le matin.
--Docteur, me dit-il, voici la derniere lettre que ma mere m'a ecrite;
il y a un an qu'elle ne me quitte pas et je l'ai lue plus de cent
fois; je voudrais la relire avant de mourir; mes mains tremblent et ma
vue s'obscurcit: soyez bon jusqu'a la fin, lisez-moi tout haut cette
lettre.
Je pris la lettre et j'en commencai la lecture. Non! jamais, depuis,
je n'ai rien lu d'aussi tendre et d'aussi touchant. C'etait Monique
ecrivant a Augustin. J'avais beau etre medecin, je n'avais que
vingt-six ans et je venais de perdre la meilleure des meres: les
sanglots etouffaient ma voix; je sentais des larmes venir a ma
paupiere.
Je regardai le malade: il pleurait silencieusement; mes larmes se
melerent aux siennes.
Tout a coup j
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