as sage,
il te chassera de son Coeur." Le soir de ma premiere communion, quand,
selon la coutume, nous nous agenouillames pour la priere en famille,
je promis bien a Jesus de l'aimer toujours: en retour, je lui demandai
de me garder dans son Coeur... Mais, helas! les passions l'emporterent
bientot, je le dis pour l'instruction des jeunes gens; je fus victime
de ces deux fleaux terribles qui, de nos jours, les font mourir
presque tous a la vertu et a l'honneur: les mauvaises compagnies et
les lectures dangereuses. A vingt ans, j'etais le premier debauche de
ma ville natale.
Pendant trente ans, j'ai entasse crimes sur crimes.... Je fus soldat,
et Dieu sait la vie que j'ai menee!... On m'envoya en Afrique a cause
de ma mauvaise conduite. N'osant plus me montrer a ma famille, j'y
restai longtemps; il fallut revenir cependant. Que faire? Me voila
ouvrier errant, cherchant de l'ouvrage de ville en ville, oblige
parfois de tendre la main, couvert de honte. J'etais descendu aux
derniers degres de l'impiete; je me trainais dans la fange des
passions. Ah! je rougis en ecrivant ces lignes. Mais c'est pour la
gloire de votre Sacre Coeur, o Jesus!...
Paray-le-Monial, comme par hasard, se trouve sur ma route. La
ville etait en fete; des oriflammes brillaient aux fenetres; des
arcs-de-triomphe etaient dresses; une foule immense remplissait les
rues; l'air retentissait d'un chant qu'il me semble entendre encore:
"Dieu de clemence, o Dieu vainqueur!..." Surpris, je m'adresse a une
pauvre femme:
--Qu'est-ce donc, lui demandai-je?
--Comment! vous ne savez pas? C'est le grand pelerinage...
--Ah!... quel pelerinage? pour quoi faire?
--Mais pour honorer le Sacre Coeur de Jesus!
--Le Coeur de Jesus! ou est-il donc? Peut-on le voir?...
--Vous savez bien que non; mais il s'est manifeste a une religieuse de
la Visitation, a la Bienheureuse Marguerite-Marie; il lui a recommande
de le faire honorer par les hommes.
--Ou est-elle, votre Visitation?
Et, sur les indications de la pauvre femme, je me dirige de ce cote:
tous les sarcasmes, lus dans les journaux de cabarets contre les
pelerinages, me revenaient a l'esprit; je regardais avec ironie ces
hommes qui marchaient gravement, une croix rouge sur la poitrine; et
malgre tout cela, j'eprouvais une certaine emotion. En passant a cote
d'un groupe de jeunes gens, je fus meme frappe de ces paroles:
Pitie, mon Dieu! pour tant d'hommes fragiles
Vous outrageant sans savoir ce
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