s chaumieres, et les craintes qu'on lui avait fait
concevoir sont bien pres de s'evanouir dans son esprit rassure. Il
s'approche de la demeure dont on lui a indique l'adresse; toutefois,
avant d'entrer, il jette un dernier regard autour de lui, et lance des
pierres dans les massifs d'arbres ou de verdure, afin de s'assurer
si personne n'est en embuscade pour le surprendre; mais, en fait
d'ennemis, il ne voit que quelques oiseaux effrayes qui sortent
precipitamment de leur retraite ainsi troublee. Il se tourne alors
du cote de la maison; la solitude de l'interieur rivalise avec la
solitude du dehors. "C'en est fait, se dit-il en lui-meme, tout danger
a disparu; on m'a trompe." Et, ouvrant la porte cochere, il traverse
rapidement la cour.
A peine a-t-il franchi le seuil, qu'un grand nombre d'hommes se
jettent sur lui; les baionnettes l'enserrent dans un reseau de fer,
et de toutes ces poitrines ou le coeur n'a plus de place s'echappent
mille cris menacants: "Nous te tenons enfin, miserable! Assez
longtemps tu nous as echappe; cette fois tu n'echapperas plus.--Il
faut le fusiller a l'instant! crient les uns.--Non, disent les autres;
a demain la guillotine! Conduisons-le a Feurs: les traitres et les
brigands apprendront par sa mort ce qu'ils doivent attendre des vrais
patriotes!" D'autres enfin ne s'en tiennent pas a ces brutalites
et les rendent encore plus ameres par des imprecations, par des
blasphemes.
Durant cette terrible scene, l'abbe Coquet gardait un profond silence
et faisait interieurement le sacrifice de sa vie. Cependant, a force
de vociferations, de trepignements, d'agitation furibonde, les
poitrines a la fin s'epuiserent, les cris cesserent. Le bon pretre
saisit alors ce moment de calme pour adresser quelques paroles a cette
horde sauvage. "Mes amis, leur dit-il, je ne suis ni un traitre ni
un monstre, comme vous vous l'imaginez; je n'ai jamais rien fait
d'hostile ni contre le gouvernement ni contre le pays. Tout mon role
se borne a porter secours aux infirmes, aux malades, a les consoler
dans leurs maux, a leur apprendre a bien mourir. Vous le voyez par
cette femme qui languit sur son lit de douleur dans une chambre
voisine. Je ne vous demande qu'une grace, c'est de me laisser lui
porter les dernieres consolations. Vous ferez ensuite de moi ce que
vous voudrez."
Un pareil discours etait fait pour attendrir les coeurs les plus durs.
"Va! s'ecrie apres un moment de silence un de ces forcenes, va! nous
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