te tenons, tu ne nous echapperas plus."
L'abbe Coquet entre donc dans la chambre de la malade; il apercoit en
meme temps une fenetre donnant sur le jardin; il pourrait s'echapper
par cette issue, mas il n'a garde d'en profiter. "Que je suis
malheureuse! s'ecrie la malade en le voyant s'avancer vers elle, que
je suis malheureuse d'etre la cause de votre captivite, peut-etre
de votre mort! Mais j'avais trop besoin de vos secours au moment si
redoutable de la mort... Ne craignez rien du reste; la sainte Vierge,
que j'ai bien priee cette nuit passee et les nuits precedentes, m'a
fait comprendre qu'il ne vous serait fait aucun mal. Veuillez donc
entendre ma confession et m'administrer les derniers sacrements."
Depuis un instant le pretre etait dans l'exercice de cet auguste
ministere, quand les revolutionnaires, se ravisant, prennent la
resolution d'entrer dans la chambre de la malade; ils voulaient
empecher le pretre, leur captif, de s'echapper par la fenetre dont
nous venons de parler. Mais aussitot entres, emus par tout ce qu'il
y a de touchant dans l'administration des derniers sacrements, ces
hommes naguere si farouches tombent subitement a genoux et semblent
plonges comme dans une extase. D'autres arrivent, ils sont terrasses
de meme. Le pretre, tout entier a ses fonctions sacrees, aux
exhortations qu'il adressait a la malade, ne s'etait pas meme apercu
de cette scene etrange.
Les ceremonies terminees, l'abbe Coquet quitte le chevet de la
mourante pour s'occuper de son propre sort. "Allons, mes amis, dit le
genereux martyr en s'adressant a ses bourreaux, je suis a vous. J'ai
fait mon devoir, disposez de moi, je ne crains rien; mon corps peut
perir, mon ame est dans les mains de Dieu." Mais, o surprise! o
merveilleux effet de la grace divine! lorsque la victime croit marcher
au supplice, elle devient au contraire l'objet du plus beau triomphe
que puisse ambitionner le coeur d'un pretre. Les bourreaux se taisent,
les menaces sont bien loin deja des levres qui les ont proferees;
la haine a fait place a l'amour, l'impiete a la foi, le crime au
repentir. Tous ces tigres alteres de sang qui s'elancaient naguere sur
le ministre de Jesus-Christ comme sur une proie, sont la a ses pieds,
renverses, comme Paul sur le chemin de Damas, par une puissance
invisible, et confessant a haute voix le Dieu qu'ils osaient
persecuter dans la personne de son representant sur la terre. Le
croirait-on? le chef de cette horde sanguinaire,
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