ere entrevue, l'abbe Mermillod,
revenant de la visite d'un pauvre malade, passa dans le quartier et
dans la rue ou demeurait sa petite eleve. Il sonna a cette porte peu
habituee a des visites de ce genre, et une servante vint ouvrir.
Le pretre se nomma, et la servante le pria d'entrer, disant que sa
maitresse avait donne ordre d'introduire M. l'abbe toutes les fois
qu'il se presenterait.
Cette bonne fille avait pris la chose a la lettre; elle conduisit
l'abbe Mermillod aupres de la dame, laquelle etait a table avec une
douzaine de convives, tous acteurs ou actrices, faisant bombance. Le
pauvre abbe se trouva fort attrape et les convives aussi. Il voulut se
retirer, s'excusa de la malencontreuse obeissance de la servante;
mais la maitresse de la maison insista si fort pour qu'il voulut bien
demeurer un peu, et elle lui dit, au nom de toute l'assistance, des
paroles si honnetes, que force lui fut de demeurer et de prendre un
siege. La petite fille etait a table aupres de sa mere et a cote d'une
autre actrice qui paraissait avoir a peine vingt-trois ou vingt-quatre
ans.
L'abbe Mermillod, homme de coeur et d'esprit, n'etait pas de ceux qui
ont peur des pecheurs. Il comprit qu'a cette table, au milieu de
cette etrange compagnie, il y avait a faire quelque bien et que la
Providence ne l'avait pas amene sans motif en pareil lieu. Il repondit
donc le plus poliment qu'il put aux avances dont il fut l'objet, et il
se gagna bientot la sympathie des convives.
Ne sachant de quoi parler, il entra en conversation avec la petite
fille, et lui demanda si elle se preparait a bien faire sa premiere
communion. "Oui, monsieur, de tout mon coeur, dit l'enfant. Mais voici
une, ajouta-t-elle en designant sa voisine, voici une dame qui aurait
a vous dire quelque chose et qui n'ose pas." L'actrice rougit, et
avoua avec un peu d'embarras qu'elle desirait beaucoup donner a la
petite sa robe blanche de premiere communion.
"C'est la une bonne et aimable pensee, reprit l'abbe; mais il y
aurait, Madame, quelque chose de mieux encore, ce serait d'imiter
cette bonne enfant et de remplir comme elle vos devoirs religieux."
La pauvre actrice rougit de plus belle. "Cela m'est malheureusement
impossible, dit-elle; ma profession est mon seul gagne-pain et elle
m'interdit la pratique de la religion; et puis je n'ai pas fait ma
premiere communion. Maintenant je suis trop agee.--On n'est jamais
trop age pour revenir a Dieu, repondit doucement le bon pre
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