tre; et
a votre age, Madame, il n'est jamais impossible de quitter une
profession pour en prendre une autre plus chretienne et meilleure."
"Ma foi, M. l'abbe a raison, dit un acteur en riant, et vous devriez
bien vous confesser." L'actrice ne repondit rien, et la conversation
devint bientot generale; on interrogeait le pretre sur la confession,
sur la position des acteurs et actrices vis-a-vis de l'Eglise; de part
et d'autre on ripostait vivement, mais sans aucune aigreur.
Le diner fini, on se leva de table; les fenetres de la salle donnaient
sur un magnifique lac. Un bateau a vapeur vint a passer. "Tenez,
messieurs, dit l'abbe Mermillod, voici qui va vous faire parfaitement
comprendre a quoi sert la confession. Vous voyez ce bateau a vapeur.
Une force puissante fait mouvoir sa machine et le fait avancer
rapidement; mais cette force elle-meme est un danger, un principe
certain d'explosion et de destruction sans ce que l'on nomme la
_soupape de surete_. Par cette soupape s'exhale le trop-plein de la
vapeur, et le bateau et les voyageurs sont en surete. Ainsi en est-il
de nous tous. Nous avons en nous des forces puissantes qui sont nos
passions; a ces forces, a ces passions il faut une _soupape_, une
ouverture sans laquelle nous sommes perdus. Eh bien! cette soupape,
c'est la confession, c'est la confidence sainte et pure que Dieu nous
a donnee comme le soulagement de nos coeurs, comme la consolation et
la purification de nos consciences. Aussi remarque-t-on dans les pays
protestants ou infideles, ou la confession est meconnue, beaucoup plus
d'alienations mentales, beaucoup plus de suicides, beaucoup plus
d'accidents moraux, que dans les pays ou l'on se confesse." Et l'abbe
developpa cette these avec autant de force que de science, en
l'appuyant de nombreux exemples.
Il prit enfin conge de la compagnie, qu'il laissa toute charmee de
son esprit et de sa bonte. La jeune actrice le reconduisit jusqu'a
la porte. "Suivez donc M. l'abbe jusqu'a l'eglise, lui dit un des
acteurs, et allez vous confesser tout de suite. Cela vous fera du
bien.--Je ne dis pas non, reprit serieusement la jeune femme, et je ne
vois pas qu'est-ce qui m'en empecherait." Et sortant avec le pretre,
elle l'accompagna jusqu'a la porte d'entree. Se trouvant seule avec
lui: "Monsieur, s'ecria-t-elle d'une voix tout etouffee de sanglots,
Monsieur, vous m'avez sauvee! C'est la Providence qui vous a envoye
pour moi dans cette maison. J'etais desesperee; ce
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