chacun de notre cote, en semestre. A notre
rentree au regiment, apres quelques paroles d'amitie echangees entre
nous, "Eh bien, Alexis, lui dis-je en souriant, as-tu fait tes Paques
avant de partir?--Non, repliqua-t-il d'un ton sec qui indiquait assez
que la question lui avait deplu.--Je veux parier avec toi, repris-je,
que ta mere t'aura bien persecute pour cela.--Elle m'y a exhorte
tendrement; mais je lui ai dit que j'avais trop peu de foi pour bien
communier, et que, grace a Dieu, j'en avais encore assez pour ne
vouloir pas communier mal. Prenez patience et priez pour moi, en
attendant qu'il me soit possible de vous satisfaire: ce jour ne
tardera pas a venir, je l'espere. Oui, je l'espere!" repeta-t-il en se
tournant vers moi et en appuyant fortement sur ce dernier mot.
"En ce moment, je ne sais quel genie infernal s'empara de moi: sans
respect pour l'amitie, sans egard pour les lois de la politesse,
j'eclatai grossierement de rire. Mais je ne tardai pas a m'en
repentir, quand je vis quelle blessure mon indigne conduite avait
faite a son coeur. "Tu m'as fait de la peine, me dit-il. Ce n'est pas
bien... je ne m'attendais pas a cela de ta part... moi qui te croyais
un si bon coeur..." Tels furent ses reproches; il y avait a la
fois dans l'accent de sa voix et dans l'expression du regard qui
l'accompagnait quelque chose de si profondement triste et douloureux,
que je fus saisi de confusion. "J'ai eu tort... me pardonneras-tu?...
cela ne m'arrivera plus..." Je ne pus en dire davantage; lui, aussitot
... l'excellent homme! de m'ouvrir ses bras, dans lesquels je me
precipitai: notre amitie etait devenue plus etroite que jamais.
"Un jour, nous etions alles ensemble a l'hopital visiter quelques-uns
de nos soldats. Un de ces malheureux venait de rendre le dernier
soupir. "C'est triste, dis-je a Alexis, de voir un militaire mourir
dans son lit comme une vieille femme. Je ne connais qu'une belle mort
pour nous autres... le boulet de canon!--Si on est prepare, reprit-il;
car pour moi, je ne connais pas de mort plus triste que celle qui vous
frappe en traitre...--Je t'entends, tu ne voudrais pas mourir sans
confession...--Pauvre ami!... Ainsi donc, incorrigible!... Tu m'avais
cependant promis..." Et apres un court intervalle de silence: "Tu l'as
dit, je desire et je desire vivement ne pas mourir sans confession...
J'ai meme... il faut que tu l'entendes de ma bouche... j'ai pense que
si je venais quelque jour a tomber malade, j
|