vec la forme
du premier degre de la qualite, Abelard vous dit que vous n'obtiendrez
ni la qualite substantielle, ni la substance qualitative; car vous
n'aurez d'un cote qu'un des elements de la substance, de l'autre qu'un
des elements de la qualite.
Au fond, comme le mot de pure essence est indetermine de sa nature
et nul sans sa forme, cette union hybride vous donnerait pour unique
resultat le premier degre de la categorie dont vous auriez emprunte la
forme.
Si maintenant vous descendez d'un ou plusieurs degres dans diverses
categories, vous chargerez de modes divers les degres de la premiere;
mais, suivant Abelard, vous ne creerez pas de veritables especes, de
veritables genres, parce que vous ne creerez pas des natures. Des
animaux blancs ou noirs, grands ou petits, sont toujours des animaux, et
ces distinctions n'engendrent que des genres et des especes improprement
dites, ou des genres et des especes dans l'ordre de la qualite, non dans
l'ordre de l'essence. Elles n'inserent pas un anneau de plus dans
la chaine de l'etre. Les classifications zoologiques ne sont pas
ontologiques. Cependant, par analogie, on peut operer toutes les
combinaisons que permet le nombre des graduations et des varietes dans
les differentes categories.
De meme qu'on peut operer sur les degres de la qualite, comme si
c'etaient des degres de l'etre, on peut, jusqu'a un certain point,
traiter les degres de l'etre comme s'ils etaient des nuances de la
qualite: le langage s'y prete. Dans la proposition, ce qui est affirme
est, au moins dans la forme, un attribut d'un sujet. En grammaire et
meme en logique, on peut donc confondre tout ce qui se pense d'un objet
quelconque avec l'operation qui qualifie une substance. Ces propositions
_Socrate est homme, et Socrate est vieux_ paraissent logiquement
composees de meme, et le penchant a ne considerer que comme des qualites
tout ce que nous disons des objets de notre pensee, est un penchant
naturel et meme assez motive, puisque la substance de l'etre est
impenetrable, _innommable_, pour nous, et s'affirme plus qu'elle ne
se connait. Quand nous voulons definir un objet, nous tombons dans
l'enumeration de ses modes, et nous ne pouvons guere nous assurer
d'avoir jamais atteint son mode essentiel, encore moins sa veritable
essence; du moins ne connaissons-nous l'essence que dans une mesure
subjective. Cependant l'examen attentif des diverses propositions
attributives suffit pour demontrer la distinct
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