et, le revolver au poing, je
grimpai.
Que si quelques-uns sourient de tant de precautions prealables, je
les renverrai au mystere de la "Chambre Jaune" et a toutes les
preuves que nous avions de la fantastique astuce de l'assassin; et
aussi, que si quelques-uns trouvent bien meticuleuses toutes mes
observations dans un moment ou l'on doit etre entierement pris par
la rapidite du mouvement, de la decision et de l'action, je leur
repliquerai que j'ai voulu longuement et completement rapporter
ici toutes les dispositions d'un plan d'attaque concu et execute
aussi rapidement qu'il est lent a se derouler sous ma plume. J'ai
voulu cette lenteur et cette precision pour etre certain de ne
rien omettre des conditions dans lesquelles se produisit l'etrange
phenomene qui, jusqu'a nouvel ordre et naturelle explication, me
semble devoir prouver mieux que toutes les theories du professeur
Stangerson, "la dissociation de la matiere", je dirai meme la
dissociation "instantanee" de la matiere.
XVI
Etrange phenomene de dissociation de la matiere
_Extrait du carnet de Joseph Rouletabille (suite)_
Me voici de nouveau a la pierre de la fenetre, continue
Rouletabille, et de nouveau ma tete depasse cette pierre; entre
les rideaux dont la disposition n'a pas bouge, je m'apprete a
regarder, anxieux de savoir dans quelle attitude je vais trouver
l'assassin. S'il pouvait me tourner le dos! S'il pouvait etre
encore a cette table, en train d'ecrire... Mais peut-etre... peut-
etre n'est-il plus la! ... Et comment se serait-il enfui? ... Est-
ce que je n'ai pas son echelle"? ... Je fais appel a tout mon
sang-froid. J'avance encore la tete. Je regarde: il est la; je
revois son dos monstrueux, deforme par les ombres projetees par la
bougie. Seulement, "il" n'ecrit plus et la bougie n'est plus sur
le petit bureau. La bougie est sur le parquet devant l'homme
courbe au-dessus d'elle. Position bizarre, mais qui me sert. Je
retrouve ma respiration. Je monte encore. Je suis aux derniers
echelons; ma main gauche saisit l'appui de la fenetre; au moment
de reussir je sens mon coeur battre a coups precipites. Je mets
mon revolver entre mes dents. Ma main droite maintenant tient
aussi l'appui de la fenetre. Un mouvement necessairement un peu
brusque, un retablissement sur les poignets et je vais etre sur la
fenetre... Pourvu que l'echelle!...C'est ce qui arrive... je suis
dans la necessite de prendre un point d'appui un peu fort sur
l'echelle et
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