ter l'interet" que nous portions a ce
nouveau personnage. L'americain devait avoir dans les quarante-
cinq ans. Il repondit d'une facon tres naturelle a la question de
Rouletabille:
"Quand j'ai appris l'attentat, j'ai retarde mon retour en
Amerique; je voulais m'assurer, avant de partir, que Mlle
Stangerson n'etait point mortellement atteinte, et je ne m'en irai
que lorsqu'elle sera tout a fait retablie."
Arthur Rance prit alors la direction de la conversation, evitant
de repondre a certaines questions de Rouletabille, nous faisant
part, sans que nous l'y invitions, de ses idees personnelles sur
le drame, idees qui n'etaient point eloignees, a ce que j'ai pu
comprendre, des idees de Frederic Larsan lui-meme, c'est-a-dire
que l'Americain pensait, lui aussi, que M. Robert Darzac "devait
etre pour quelque chose dans l'affaire". Il ne le nomma point,
mais il ne fallait point etre grand clerc pour saisir ce qui etait
au fond de son argumentation. Il nous dit qu'il connaissait les
efforts faits par le jeune Rouletabille pour arriver a demeler
l'echeveau embrouille du drame de la "Chambre Jaune". Il nous
rapporta que M. Stangerson l'avait mis au courant des evenements
qui s'etaient deroules dans la "galerie inexplicable". On
devinait, en ecoutant Arthur Rance, qu'il expliquait tout par
Robert Darzac. A plusieurs reprises, il regretta que M. Darzac fut
"justement absent du chateau" quand il s'y passait d'aussi
mysterieux drames, et nous sumes ce que parler veut dire. Enfin,
il emit cette opinion que M. Darzac avait ete "tres bien inspire,
tres habile", en installant lui-meme sur les lieux M. Joseph
Rouletabille, qui ne manquerait point -- un jour ou l'autre -- de
decouvrir l'assassin. Il prononca cette derniere phrase avec une
ironie visible, se leva, nous salua, et sortit.
Rouletabille, a travers la fenetre, le regarda s'eloigner et dit:
"Drole de corps!"
Je lui demandai:
"Croyez-vous qu'il passera la nuit au Glandier?"
A ma stupefaction, le jeune reporter repondit "que cela lui etait
tout a fait indifferent".
Je passerai sur l'emploi de notre apres-midi. Qu'il vous suffise
de savoir que nous allames nous promener dans les bois, que
Rouletabille me conduisit a la grotte de Sainte-Genevieve et que,
tout ce temps, mon ami affecta de me parler de toute autre chose
que de ce qui le preoccupait. Ainsi le soir arriva. J'etais tout
etonne de voir le reporter ne prendre aucune de ces dispositions
auxquelles je m'a
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