a
rencontre le garde qui voulut sans doute s'opposer a sa fuite.
L'assassin avait encore a la main le couteau dont il venait de
frapper Mlle Stangerson, il en frappa le garde au coeur, et le
garde en est mort.
Cette explication si simple parut d'autant plus plausible que,
deja, beaucoup de ceux qui s'interessaient aux mysteres du
Glandier l'avaient trouvee. Un murmure d'approbation se fit
entendre.
"Et l'assassin, qu'est-il devenu, dans tout cela? demanda le
president.
-- Il s'est evidemment cache, monsieur le president, dans un coin
obscur de ce bout de cour et, apres le depart des gens du chateau
qui emportaient le corps, il a pu tranquillement s'enfuir."
A ce moment, du fond du "public debout", une voix juvenile
s'eleva. Au milieu de la stupeur de tous, elle disait:
"Je suis de l'avis de Frederic Larsan pour le coup de couteau au
coeur. Mais je ne suis plus de son avis sur la maniere dont
l'assassin s'est enfui du bout de cour!"
Tout le monde se retourna; les huissiers se precipiterent,
ordonnant le silence. Le president demanda avec irritation qui
avait eleve la voix et ordonna l'expulsion immediate de l'intrus;
mais on reentendit la meme voix claire qui criait:
"C'est moi, monsieur le president, c'est moi, Joseph
Rouletabille!"
XXVII
Ou Joseph Rouletabille apparait dans toute sa gloire
Il y eut un remous terrible. On entendit des cris de femmes qui se
trouvaient mal. On n'eut plus aucun egard pour "la majeste de la
justice". Ce fut une bousculade insensee. Tout le monde voulait
voir Joseph Rouletabille. Le president cria qu'il allait faire
evacuer la salle, mais personne ne l'entendit. Pendant ce temps,
Rouletabille sautait par-dessus la balustrade qui le separait du
public assis, se faisait un chemin a grands coups de coude,
arrivait aupres de son directeur qui l'embrassait avec effusion,
lui prit "sa" lettre d'entre les mains, la glissa dans sa poche,
penetra dans la partie reservee du pretoire et parvint ainsi
jusqu'a la barre des temoins, bouscule, bousculant, le visage
souriant, heureux, boule ecarlate qu'illuminait encore l'eclair
intelligent de ses deux grands yeux ronds. Il avait ce costume
anglais que je lui avais vu le matin de son depart -- mais dans
quel etat, mon Dieu! -- l'ulster sur son bras et la casquette de
voyage a la main. Et il dit:
"Je demande pardon, monsieur le president, le transatlantique a eu
du retard! J'arrive d'Amerique. Je suis Joseph Rouletabille! ...
|