a croire que
M. Rouletabille etait derriere nous.
-- Vous avez donc vu fuir l'assassin jusqu'a l'extremite de l'aile
droite, madame?
-- Oui, comme j'ai vu emporter, une minute plus tard, le cadavre
du garde.
-- Et l'assassin, qu'est-il devenu? Vous etiez restee seule dans
la cour d'honneur, il serait tout naturel que vous l'ayez apercu
alors... Il ignorait votre presence et le moment etait venu pour
lui de s'echapper...
-- Je n'ai rien vu, monsieur le president, gemit MmeMathieu. A ce
moment la nuit etait devenue tres noire.
-- C'est donc, fit le president, M. Rouletabille qui nous
expliquera comment l'assassin s'est enfui.
-- Evidemment!" repliqua aussitot le jeune homme avec une telle
assurance que le president lui-meme ne put s'empecher de sourire.
Et Rouletabille reprit la parole:
"Il etait impossible a l'assassin de s'enfuir normalement du bout
de cour dans lequel il etait entre sans que nous le vissions! Si
nous ne l'avions pas vu, nous l'eussions touche! C'est un pauvre
petit bout de cour de rien du tout, un carre entoure de fosses et
de hautes grilles. L'assassin eut marche sur nous ou nous eussions
marche sur lui! Ce carre etait aussi quasi-materiellement ferme
par les fosses, les grilles et _par nous-memes,_ que la "Chambre
Jaune!"
-- Alors, dites-nous donc, puisque l'homme est entre dans ce
carre, dites-nous donc comment il se fait que vous ne l'ayez point
trouve! ... Voila une demi-heure que je ne vous demande que cela!
..."
Rouletabille ressortit une fois encore l'oignon qui garnissait la
poche de son gilet; il y jeta un regard calme, et dit:
"Monsieur le president, vous pouvez me demander cela encore
pendant trois heures trente, je ne pourrai vous repondre sur ce
point qu'a six heures et demie!"
Cette fois-ci les murmures ne furent ni hostiles, ni desappointes.
On commencait a avoir confiance en Rouletabille. "On lui faisait
confiance." Et l'on s'amusait de cette pretention qu'il avait de
fixer une heure au president comme il eut fixe un rendez-vous a un
camarade.
Quant au president, apres s'etre demande s'il devait se facher, il
prit son parti de s'amuser de ce gamin comme tout le monde.
Rouletabille degageait de la sympathie, et le president en etait
deja tout impregne. Enfin, il avait si nettement defini le role de
MmeMathieu dans l'affaire, et si bien explique chacun de ses
gestes, "cette nuit-la", que M. De Rocoux se voyait oblige de le
prendre presque au serieux.
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