chateau, elle tomba de
l'autre cote de l'angle de la batisse; c'est-a-dire que nous vimes
qu'elle tombait, mais elle ne s'allongea definitivement par terre
que de cet autre cote du mur que nous ne pouvions pas voir.
Bernier, Arthur Rance et moi, nous arrivions de cet autre cote du
mur, vingt secondes plus tard. "L'ombre etait morte a nos pieds."
Reveille evidemment de son sommeil lethargique par les clameurs et
les detonations, Larsan venait d'ouvrir la fenetre de sa chambre
et nous criait, comme avait crie Arthur Rance: "Qu'y a-t-il? ...
Qu'y a-t-il? ..."
Et nous, nous etions penches sur l'ombre, sur la mysterieuse ombre
morte de l'assassin. Rouletabille, tout a fait reveille
maintenant, nous rejoignit dans le moment, et je lui criai:
"Il est mort! Il est mort! ...
-- Tant mieux, fit-il... Apportez-le dans le vestibule du
chateau...
Mais il se reprit:
"Non! non! Deposons-le dans la chambre du garde! ..."
Rouletabille frappa a la porte de la chambre du garde... Personne
ne repondit de l'interieur... ce qui ne m'etonna point,
naturellement.
"Evidemment, il n'est pas la, fit le reporter, sans quoi il serait
deja sorti! ... Portons donc ce corps dans le vestibule..."
Depuis que nous etions arrives sur "l'ombre morte", la nuit
s'etait faite si noire, par suite du passage d'un gros nuage sur
la lune, que nous ne pouvions que toucher cette ombre sans en
distinguer les lignes. Et cependant, nos yeux avaient hate de
savoir! Le pere Jacques, qui arrivait, nous aida a transporter le
cadavre jusque dans le vestibule du chateau. La, nous le deposames
sur la premiere marche de l'escalier. J'avais senti, sur mes
mains, pendant ce trajet, le sang chaud qui coulait des
blessures...
Le pere Jacques courut aux cuisines et en revint avec une
lanterne. Il se pencha sur le visage de "l'ombre morte", et nous
reconnumes le garde, celui que le patron de l'auberge du "Donjon"
appelait "l'homme vert" et que, une heure auparavant, j'avais vu
sortir de la chambre d'Arthur Rance, charge d'un ballot. Mais, ce
que j'avais vu, je ne pouvais le rapporter qu'a Rouletabille seul,
ce que je fis du reste quelques instants plus tard.
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Je ne saurais passer sous silence l'immense stupefaction -- je
dirai meme le cruel desappointement -- dont firent preuve Joseph
Rouletabille et Frederic Larsan, lequel nous avait rejoint dans le
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