sion des discussions. Des
coups de poing furent echanges entre les partisans de Joseph
Rouletabille et les fanatiques de Frederic Larsan, car, chose
bizarre, la fievre de ces gens venait moins de ce qu'on allait
peut-etre condamner un innocent que de l'interet qu'ils portaient
a leur propre comprehension du "mystere de la Chambre Jaune".
Chacun avait son explication et la tenait pour bonne. Tous ceux
qui expliquaient le crime comme Frederic Larsan n'admettaient
point qu'on put mettre en doute la perspicacite de ce policier
populaire; et tous les autres, qui avaient une explication autre
que celle de Frederic Larsan, pretendaient naturellement qu'elle
devait etre celle de Joseph Rouletabille qu'ils ne connaissaient
pas encore. Le numero de _L'Epoque_ a la main, les "Larsan "et les
"Rouletabille "se disputerent, se chamaillerent, jusque sur les
marches du palais de justice de Versailles, jusque dans le
pretoire. Un service d'ordre extraordinaire avait ete commande.
L'innombrable foule qui ne put penetrer dans le palais resta
jusqu'au soir aux alentours du monument, maintenue difficilement
par la troupe et la police, avide de nouvelles, accueillant les
rumeurs les plus fantastiques. Un moment, le bruit circula qu'on
venait d'arreter, en pleine audience, M. Stangerson lui-meme, qui
s'etait avoue l'assassin de sa fille... C'etait de la folie.
L'enervement etait a son comble. Et l'on attendait toujours
Rouletabille. Des gens pretendaient le connaitre et le
reconnaitre; et, quand un jeune homme, muni d'un laissez-passer,
traversait la place libre qui separait la foule du palais de
justice, des bousculades se produisaient. On s'ecrasait. On
criait: "Rouletabille! Voici Rouletabille!" Des temoins, qui
ressemblaient plus ou moins vaguement au portrait publie par
_L'Epoque_, furent aussi acclames. L'arrivee du directeur de
_L'Epoque_ fut encore le signal de quelques manifestations. Les
uns applaudirent, les autres sifflerent. Il y avait beaucoup de
femmes dans la foule.
Dans la salle des assises, le proces se deroulait sous la
presidence de M. De Rocoux, un magistrat imbu de tous les prejuges
des gens de robe, mais foncierement honnete. On avait fait l'appel
des temoins. J'en etais, naturellement, ainsi que tous ceux qui,
de pres ou de loin, avaient touche les mysteres du Glandier: M.
Stangerson, vieilli de dix ans, meconnaissable, Larsan, M. Arthur
W. Rance, la figure toujours enluminee, le pere Jacques, le pere
Mathieu, qui
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