armante femme blonde aux yeux doux qui se mit immediatement a
notre disposition pour le dejeuner.
"Comment va le pere Mathieu? demanda Rouletabille.
-- Guere mieux, monsieur, guere mieux; il est toujours au lit.
-- Ses rhumatismes ne le quittent donc pas?
-- Eh non! J'ai encore ete obligee, la nuit derniere, de lui faire
une piqure de morphine. Il n'y a que cette drogue-la qui calme ses
douleurs."
Elle parlait d'une voix douce; tout, en elle, exprimait la
douceur. C'etait vraiment une belle femme, un peu indolente, aux
grands yeux cernes, des yeux d'amoureuse. Le pere Mathieu, quand
il n'avait pas de rhumatismes, devait etre un heureux gaillard.
Mais elle, etait-elle heureuse avec ce rhumatisant bourru? La
scene a laquelle nous avions precedemment assiste ne pouvait nous
le faire croire, et cependant, il y avait, dans toute l'attitude
de cette femme, quelque chose qui ne denotait point le desespoir.
Elle disparut dans sa cuisine pour preparer notre repas, nous
laissant sur la table une bouteille d'excellent cidre.
Rouletabille nous en versa dans des bols, bourra sa pipe,
l'alluma, et, tranquillement, m'expliqua enfin la raison qui
l'avait determine a me faire venir au Glandier avec des revolvers.
"Oui, dit-il, en suivant d'un oeil contemplatif les volutes de la
fumee qu'il tirait de sa bouffarde, oui, cher ami, _j'attends, ce
soir, l'assassin."_
Il y eut un petit silence que je n'eus garde d'interrompre, et il
reprit:
"Hier soir, au moment ou j'allais me mettre au lit, M. Robert
Darzac frappa a la porte de ma chambre. Je lui ouvris, et il me
confia qu'il etait dans la necessite de se rendre, le lendemain
matin, c'est-a-dire ce matin meme, a Paris. La raison qui le
determinait a ce voyage etait a la fois peremptoire et
mysterieuse, peremptoire puisqu'il lui etait impossible de ne pas
faire ce voyage, et mysterieuse puisqu'il lui etait aussi
impossible de m'en devoiler le but."Je pars, et cependant, ajouta-
t-il, je donnerais la moitie de ma vie pour ne pas quitter en ce
moment Mlle Stangerson." Il ne me cacha point qu'il la croyait
encore une fois en danger."Il surviendrait quelque chose la nuit
prochaine que je ne m'en etonnerais guere, avoua-t-il, et
cependant il faut que je m'absente. Je ne pourrai etre de retour
au Glandier qu'apres-demain matin."
"Je lui demandai des explications, et voici tout ce qu'il
m'expliqua. Cette idee d'un danger pressant lui venait uniquement
de la coincidence qui exi
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