l'homme fut rebute
tout de suite et disparut sans laisser de trace. C'est ainsi que
j'expliquai, a part moi, la phrase finale dont il me salua: "Quand
je serai parti, vous pourrez parler de "vos" soupcons pour cette
nuit a M. Stangerson, au pere Jacques, a Frederic Larsan, a tout
le monde au chateau et organiser ainsi, jusqu'a mon retour, une
surveillance dont, aux yeux de tous, vous aurez eu seul l'idee."
"Il s'en alla, le pauvre, le pauvre homme, ne sachant plus guere
ce qu'il disait, devant mon silence et mes yeux qui lui "criaient"
que j'avais devine les trois quarts de son secret. Oui, oui,
vraiment, il devait etre tout a fait desempare pour etre venu a
moi dans un moment pareil et pour abandonner Mlle Stangerson,
quand il avait dans la tete cette idee terrible de la
"coincidence..."
"Quand il fut parti, je reflechis. Je reflechis a ceci, qu'il
fallait etre plus astucieux que l'astuce meme, de telle sorte que
l'homme, s'il devait aller, cette nuit, dans la chambre de Mlle
Stangerson, ne se doutat point une seconde qu'on pouvait
soupconner sa venue. Certes! l'empecher de penetrer, meme par la
mort, mais le laisser avancer suffisamment pour que, _mort ou
vivant, on put_ _voir nettement sa figure!_ Car il fallait en
finir, il _fallait liberer Mlle Stangerson de cet assassinat
latent!_
"Oui, mon ami, declara Rouletabille, apres avoir pose sa pipe sur
la table et vide son verre, il faut que je voie, d'une facon bien
distincte, sa figure, _histoire d'etre sur qu'elle entre dans le
cercle que j'ai trace avec le bon bout de ma raison."_
A ce moment, apportant l'omelette au lard traditionnelle,
l'hotesse fit sa reapparition. Rouletabille lutina un peu
MmeMathieu et celle-ci se montra de l'humeur la plus charmante.
"Elle est beaucoup plus gaie, me dit-il, quand le pere Mathieu est
cloue au lit par ses rhumatismes que lorsque le pere Mathieu est
ingambe!"
Mais je n'etais ni aux jeux de Rouletabille, ni aux sourires de
l'hotesse; j'etais tout entier aux dernieres paroles de mon jeune
ami et a l'etrange demarche de M. Robert Darzac.
Quand il eut fini son omelette et que nous fumes seuls a nouveau,
Rouletabille reprit le cours de ses confidences:
"Quand je vous ai envoye ma depeche ce matin, a la premiere heure,
j'en etais reste, me dit-il, a la parole de M. Darzac: "L'assassin
viendra ''peut-etre'' la nuit prochaine." Maintenant, je peux vous
dire qu'il viendra "surement". Oui, je l'attends.
-- Et qu'est
|