ou a les retirer le lendemain.
"Il m'a fallu bien des jours passes a me debattre contre son prestige
pour la connaitre ainsi. Elle a ete longtemps un probleme que je ne
pouvais resoudre, parce que je ne pouvais me resigner a voir le cote
infirme et incurable de son ame. Je crois avoir tout tente pour la
guerir ou la modifier: j'ai echoue, et j'ai demande a Dieu la force
d'accepter sans colere et sans blaspheme la plus affreuse, la plus amere
de toutes les deceptions.
"Une seconde grossesse m'avait rendu de nouveau son esclave. Sa
delivrance fut la mienne, car il se passa alors dans notre interieur des
choses veritablement douloureuses et intolerables pour moi. Notre second
fils etait chetif et sans beaute. Elle m'en fit un reproche; elle
pretendit que celui-ci etait ne de mon mepris et de mon aversion pour
elle, qu'il lui ressemblait en laid, qu'il etait sa caricature, et que
c'est ainsi que je l'avais vue en la rendant mere pour la seconde fois.
"Les excentricites d'Alida ne sont pas de celles qu'on peut reprendre
avec gaiete et traiter d'enfantillages. Toute contradiction de ce genre
l'offense au dernier point. Je lui repondis que, si l'enfant avait
souffert dans son sein, c'est parce qu'elle avait doute de moi et de
tout: il etait le fruit de son scepticisme; mais il y avait encore du
remede. La beaute d'un homme, c'est la sante, et il fallait fortifier le
pauvre petit etre par des soins assidus et intelligents. Il fallait
suivre aussi d'un oeil attentif le developpement de son ame, et ne
jamais la froisser par la pensee qu'il put etre moins aime et moins
agreable a voir que son frere.
"Helas! je prononcais l'arret de cet enfant en essayant de le sauver.
Alida a l'esprit tres-faible; elle se crut coupable envers son fils
avant de l'etre, elle le devint par la peur de ne pouvoir echapper a la
fatalite. Ainsi tous mes efforts aggravaient son mal, et, de toutes mes
paroles, elle tirait un sens funeste. Elle s'acharnait a constater
qu'elle n'aimait pas le pauvre Paul, que je le lui avais predit, qu'elle
ne pouvait conjurer cette destinee, qu'elle frissonnait en voulant
caresser cette horrible creature, sa malediction, son chatiment et le
mien. Que sais-je! Je la crus folle, je la promenai encore et j'eloignai
l'enfant; mais elle se fit des reproches, l'instinct maternel parla plus
haut que les preventions, ou bien l'orgueil de la femme se revolta. Elle
voulut en finir avec l'esperance, ce fut son mot. Cela signif
|