t tres-mal appris, de regarder chez les voisins.
--Bah! les voisins! On n'entend jamais par la que des animaux qui
belent!
--Et tu as envie de faire la conversation avec eux?
--Mechante! Voyons, encore ton dernier couplet. Il est joli aussi, et
c'est bien a toi d'avoir mis le nenufar dans les roses..., quoique la
botanique le defende absolument! Mais la poesie, c'est le droit de
mentir!
--Si je me suis permis cela, c'est toi qui l'as voulu! Tu m'as demande
hier au soir en t'endormant de te faire pour ce matin trois couplets, un
a la rose mousseuse, un a l'eglantine et un a ton nymphea qui venait de
fleurir. Voila tout ce que j'ai trouve en m'endormant aussi, moi!
--Le sommeil t'a prise juste sur le mot de _sagesse?_ N'importe, voila
que je le sais, ton mot, et ton air aussi. Ecoute!
Elle chanta l'air, et tout aussitot elle voulut le dire en duo avec sa
soeur.
--Je le veux bien, repondit Adelaide; mais tu vas taire la seconde
partie, la, tout de suite, d'instinct!
--Oh! d'instinct, ca me va; mais gare les fausses notes!
--Oui, certes, gare! et chante tout bas comme moi; il ne faut pas
reveiller Alida, qui se couche si tard!
--Et puis tu as bien peur qu'on n'entende tes chansons! Dis donc, est-ce
que maman gronderait si elle savait que tu fais des vers et de la
musique pour moi?
--Non, mais elle gronderait si nous le disions.
--Pourquoi?
--Parce qu'elle trouverait qu'il n'y a pas de quoi se vanter, et elle
aurait bien raison!
--Moi, je trouve pourtant cela tres-beau, ce que tu fais!
--Parce que tu es un enfant.
--C'est-a-dire un oison! Eh bien, j'ai envie de consulter... voyons,
personne de chez nous, puisque les parens disent toujours que leurs
enfants sont betes, mais... mon ami Valvedre!
--Si tu dis et si tu chantes a qui que ce soit les niaiseries que tu me
fais faire, tu sais notre marche? je ne t'en ferai plus.
--Oh! alors _motus_! Chantons!
L'enfant fit sa partie avec beaucoup de justesse; Adelaide trouva
l'harmonie correcte mais vulgaire, et lui indiqua des changements que
l'autre discuta, comprit et executa tout de suite. Cette courte et gaie
lecon suffisait pour prouver a des oreilles exercees que la petite etait
admirablement douee, et l'autre deja grande musicienne, eclairee du vrai
rayon createur. Elle etait poete aussi; car j'entendis, le lendemain,
d'autres vers en diverses langues qu'elle recita ou chanta avec sa
soeur, a qui elle faisait faire ainsi, en jouant,
|