que les courses du jour et les histoires terribles des
veillees de nuit m'eurent bientot inocule la passion de cette nouvelle
vie. J'avais gagne la _fievre de la prairie_. C'est ce que mes compagnons
me dirent en riant. Je compris plus tard la signification de ces mots: La
fievre de la prairie! Oui, j'etais justement en train de m'inoculer cette
etrange affection. Elle s'emparait de moi rapidement. Les souvenirs de la
famille commencaient a s'effacer de mon esprit; et avec eux
s'evanouissaient les folles illusions de l'ambition juvenile. Les plaisirs
de la ville n'avaient plus aucun echo dans mon coeur, et je perdais toute
memoire des doux yeux, des tresses soyeuses, des vives emotions de
l'amour, si fecondes en tourments; toutes ces impressions anciennes
s'effacaient; il semblait qu'elles n'eussent jamais existe, que je ne les
eusse jamais ressenties! mes forces intellectuelles et physiques
s'accroissaient; je sentais une vivacite d'esprit, une vigueur de corps,
que je ne m'etais jamais connues. Je trouvais du plaisir dans le
mouvement. Mon sang coulait plus chaud et plus rapide dans mes veines, ma
vue etait devenue plus percante; je pouvais regarder fixement le soleil
sans baisser les paupieres. Etais-je penetre d'une portion de l'essence
divine qui remplit, anime ces vastes solitudes qu'elle semble plus
particulierement habiter? Qui pourrait repondre a cela?--La fievre de la
prairie!--Je la sens a present! Tandis que j'ecris ces memoires, mes
doigts se crispent comme pour saisir les renes, mes genoux se rapprochent,
mes muscles se roidissent comme pour etreindre les flancs de mon noble
cheval, et je m'elance a travers les vagues verdoyantes de la mer-prairie.
III
COURSE A DOS DE BUFFALO.
Il s'etait ecoule environ quatre jours quand nous atteignimes les bords de
l'Arkansas, environ six milles au-dessous des _Plum Buttes_(1). Nos wagons
furent formes en cercle et nous etablimes notre camp. Jusque-la nous
n'avions vu qu'un tres-petit nombre de buffalos; quelques males egares,
tout au plus deux ou trois ensemble, et ils ne se laissaient pas
approcher. C'etait bien la saison de leurs courses; mais nous n'avions
rencontre encore aucun de ces grands troupeaux emportes par le rut.
[Note 1: Mot a mot: Collines a fruit.]
--La-bas! cria Saint-Vrain, voila de la viande fraiche pour notre souper.
Nous tournames les yeux vers le nord-ouest, que nous indiquait notre ami.
Sur l'escarpement d'un plateau peu eleve, c
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