uement des fouets et les sonores
_huo-hya_ des voituriers. Je vis les marchands a cheval galoper a la
suite, et je me retournai sur ma couche plein du sentiment de ma solitude
et de mon abandon. Pendant plusieurs jours, je demeurai couche, inquiet et
agite, malgre l'influence consolatrice du champagne et les soins
affectueux, quoique rudes, de mon valet voyageur. Enfin je pus me lever,
m'habiller et m'asseoir a ma _ventana_. De la, j'avais une belle vue de la
place et des rues adjacentes, voies sablonneuses, bordees de maisons
brunes baties en _adobe_ [1].
[Note 1: Larges briques sechees au soleil.]
Des heures entieres s'ecoulent pour moi dans la contemplation des gens qui
passent. La scene n'est pas depourvue de nouveaute et de variete. De
laides figures basanees se montrent sous les plis de noirs robozos; des
yeux menacants lancent leurs flammes sous les larges bords des
_sombreros._ Des _poblanas_ en courts jupons et en pantoufles passent sous
ma fenetre. Des groupes d'Indiens soumis, des _pueblos,_ arrivent des
_rancherias_ (petites fermes) voisines, frappant leurs anes pour les faire
avancer. Ils apportent des paniers de fruits et de legumes. Ils
s'installent au milieu de la place sablonneuse, derriere des tas de poires
longues, ou des pyramides de tomates et de _chile._ Les femmes, achetant
au detail, ne font que rire, chanter et babiller. La _tortillera,_ a
genoux pres de son _metate_, fait cuire sa pate de mais, l'etend en
feuilles minces, la pose sur les pierres chaudes et crie: _Tortillas!
tortillas! calientes!_ (Tortillas toutes chaudes). La _cocinera_ epluche
les gousses poivrees de _chile colorado_, agite le liquide rouge avec sa
cuiller de bois, et alleche les pratiques par ces mots: _Chile bueno!
excellente!--Carbon! carbon!_ crie le charbonnier!--_Agua! agua limpia!_
chante le porteur d'eau.--_Pan fino! Pan blanco!_ hurle le boulanger. Et
une foule d'autres cris pousses par les vendeurs d'_atole_, de _huevos_ et
de _leche_, forment l'ensemble le plus discordant qu'on puisse imaginer.
Telles sont les voix d'une place publique au Mexique. C'est d'abord assez
amusant; mais cela devient monotone, puis desagreable; jusqu'a ce qu'enfin
j'en sois obsede au point de ne pouvoir plus les entendre sans en avoir la
fievre.
Quelques jours apres, je puis enfin marcher, et je vais me promener avec
mon fidele Gode. Nous parcourons la ville. Elle me fait l'effet d'un vaste
amas de briques preparees pour recevoir
|