depuis un an.
Gode paraissait entre tous le plus stupefait.
--Mon Dieu! lance en l'air, foule aux pieds d'un million de buffles
damnes, et pas mort! Cr-r-re matin!
--Nous nous etions mis a la recherche de votre corps, ou plutot de ce qui
pouvait en rester, dit Saint-Vrain. Nous avons fouille la prairie pas a
pas a un mille a la ronde, et nous etions presque tentes de croire que les
betes feroces vous avaient totalement devore.
--Devorer monsieur! Non! trois millions de buffles ne l'auraient pas
devore. Mon Dieu! Ah! gredin de l'Endormi, que le diable t'emporte!
Cette apostrophe s'adressait a Hibbets, qui n'avait pas indique a mes
camarades l'endroit ou j'etais couche, et m'avait ainsi expose a un danger
si terrible.
--Nous vous avons vu lance en l'air, continua Saint-Vrain, et retomber
dans le plus epais de la bande. En consequence, nous vous regardions comme
perdu. Mais, au nom de Dieu, comment avez-vous pu vous tirer de la?
Je racontai mon aventure a mes camarades emerveilles.
--Par Dieu! cria Gode, c'est une merveilleuse histoire! Et voila un
gaillard qui n'est pas manchot!
A dater de ce moment, je fus considere comme un _capitaine_ parmi les gens
de la prairie. Mes compagnons avaient fait de la bonne besogne pendant ce
temps, et une douzaine de masses noires, qui gisaient sur la plaine, en
rendaient temoignage. Ils avaient retrouve mon rifle et ma couverture;
cette derniere, enfoncee dans la terre par le pietinement. Saint-Vrain
avait encore quelques gorgees d'eau-de-vie dans sa gourde; apres l'avoir
videe et avoir replace les vedettes, nous reprimes nos couches de gazon
et passames le reste de la nuit a dormir.
IV
UNE POSITION TERRIBLE.
Peu de jours apres, une autre aventure m'arriva; et je commencai a penser
que j'etais predestine a devenir un _heros_ parmi les montagnards.
Un petit detachement dont je faisais partie avait pris les devants. Notre
but etait d'arriver a Santa-Fe un jour ou deux avant la caravane, afin de
tout arranger avec le gouverneur pour l'entree des wagons dans cette
capitale. Nous faisions route pour le _Cimmaron_. Pendant une centaine de
milles environ, nous traversames un desert sterile, depourvu de gibier et
presque entierement prive d'eau. Les buffalos avaient completement
disparu, et les daims etaient plus que rares. Il fallait nous contenter de
la viande sechee que nous avions emportee avec nous des etablissements.
Nous etions dans le desert de l'_Artemis
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