formaient un tableau
non moins pittoresque. Le paysage, tout nouveau pour moi, m'impressionnait
d'une facon toute particuliere. Les cours d'eau etaient marques par de
hautes bordures de cotonniers dont les troncs, semblables a des colonnes,
supportaient un epais feuillage argente. Ces bordures, par leur rencontre
en differents points, semblaient former comme des clotures et divisaient
la prairie de telle sorte, que nous paraissions voyager a travers des
champs bordes de haies gigantesques. Nous traversames plusieurs rivieres,
les unes a gue, les autres, plus larges et plus profondes, en faisant
flotter nos wagons. De temps en temps nous apercevions des daims et des
antilopes, et nos chasseurs en tuaient quelques-uns; mais nous n'avions
pas encore atteint le territoire des buffalos.
Parfois nous faisions une halte d'un jour, pour reparer nos forces, dans
quelque vallon boise, garni d'une herbe epaisse et arrose d'une eau pure.
De temps a autre, nous etions arretes pour racommoder un timon ou un
essieu brise, ou pour degager un wagon embourbe. J'avais peu a
m'inquieter, pour ma part, de mes equipages. Mes Missouriens se trouvaient
etre d'adroits et vigoureux compagnons qui savaient se tirer d'affaire en
s'aidant l'un l'autre, et sans se lamenter a propos de chaque accident,
comme si tout eut ete perdu. L'herbe etait haute; nos mules et nos boeufs,
au lieu de maigrir, devenaient plus gras de jour en jour. Je pouvais
disposer de la meilleure part du mais dont mes wagons etaient pourvus en
faveur de Moro, qui se trouvait tres-bien de cette nourriture.
Comme nous approchions de l'Arkansas, nous apercumes des hommes a cheval
qui disparaissaient derrieres des collines. C'etaient des Pawnees, et,
pendant plusieurs jours, des troupes de ces farouches guerriers roderent
sur les flancs de la caravane. Mais ils reconnaissaient notre force, et se
tenaient hors de portee de nos longues carabines. Chaque jour m'apportait
une nouvelle impression, soit incident de voyage, soit aspect du paysage,
Gode, qui avait ete successivement voyageur, chasseur, trappeur et
_coureur de bois_, m'avait, dans nos conversations intimes, instruit de
plusieurs details relatifs a la vie de la prairie; grace a cela j'etais a
meme de faire bonne figure au milieu de mes nouveaux camarades. De son
cote, Saint-Vrain, dont le caractere franc et genereux m'avait inspire une
vive sympathie, n'epargnait aucun soin pour me rendre le voyage agreable.
De telle sorte
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