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doigts charges de bijoux, et pendant nonchalamment. Je suis passablement
timide; mais, a la vue de cette attrayante partenaire, je ne pus y tenir
plus longtemps, et, me penchant vers elle, je lui dis dans mon meilleur
espagnol:
--Voulez-vous bien, mademoiselle, m'accorder la faveur d'une valse?
La malicieuse petite manola baissa d'abord la tete en rougissant; puis,
relevant les longs cils de ses yeux noirs, me regarda et me repondit avec
une douce voix de canari:
--_Con gusto, senor_ (avec plaisir, monsieur).
--Allons! m'ecriai-je, enivre de mon triomphe.
Et, saisissant la taille de ma brillante danseuse, je m'elancai dans le
tourbillonnement du bal.
Nous revinmes a nos places, et, apres nous etre rafraichis avec un verre
d'Albuquerque, un massepain et une cigarette, nous reprimes notre elan.
Cet agreable programme fut repete a peu pres une demi-douzaine de fois;
seulement, nous alternions la valse avec la polka, car ma manola dansait
la polka aussi bien que si elle fut nee en Boheme. Je portais a mon petit
doigt un diamant de cinquante dollars, que ma danseuse semblait trouver
_muy buonito_. La flamme de ses yeux m'avait touche le coeur, et les
fumees du champagne me montaient a la tete; je commencai a calculer le
resultat que pourrait avoir la translation de ce diamant de mon petit
doigt au medium de sa jolie petite main, ou sans doute il aurait produit
un charmant effet. Au meme instant je m'apercus que j'etais surveille de
pres par un vigoureux _lepero_ de fort mauvaise mine, un vrai _pelado_ qui
nos suivait des yeux, et quelquefois de sa personne, dans toutes les
parties de la salle. L'expression de sa sombre figure etait un melange de
ferocite et de jalousie que ma danseuse remarquait fort bien, mais qu'elle
me semblait assez peu soucieuse de calmer.
--Quel est cet homme? lui demandai-je tout bas, comme il venait de passer
pres de nous, enveloppe dans son serape raye.
--_Esta mi marido, senor_ (c'est mon mari, monsieur), me repondit-elle
froidement.
Je renfoncai ma bague jusqu'a la paume et tins ma main serree comme un
etau. Pendant ce temps, le whisky de Thaos avait produit son effet sur les
danseurs. Les trappeurs et les voituriers etaient devenus bruyants et
querelleurs! Les _leperos_ qui remplissaient la salle, excites par le vin,
la jalousie, leur vieille haine, et la danse, devenaient de plus en plus
sombres et farouches. Les blouses de chasses frangees et les grossieres
blouses brune
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