rait apercu, il ne s'arreterait pas jusqu'a
ce qu'il eut pu frotter son nez contre ma joue, car c'etait sa coutume
habituelle. Je tendis mes mains vers lui et repetai encore les mots
magiques. Alors, regardant en bas, il m'apercut, et, s'elancant aussitot,
il sauta dans le canal. Un instant apres, je le tenais par la bride.
Il n'y avait pas de temps a perdre; l'eau m'atteignait presque jusqu'aux
aisselles. Je saisis la longe, et, la passant sous la sangle de la selle,
je la nouai fortement, puis je m'entourai le corps avec l'autre bout.
J'avais laisse assez de corde entre moi et la sangle pour pouvoir exciter
et guider le cheval dans le cas ou il faudrait un grand effort pour me
tirer d'ou j'etais. Pendant tous ces preparatifs, l'animal muet semblait
comprendre ce que je faisais. Il connaissait aussi la nature du terrain
sur lequel il se trouvait, car, durant toute l'operation, il levait ses
pieds l'un apres l'autre pour eviter d'etre pris. Mes dispositions furent
enfin terminees, et avec un sentiment d'anxiete terrible, je donnai a mon
cheval le signal de partir. Au lieu de s'elancer, l'intelligent animal
s'eloigna doucement comme s'il avait compris ma situation. La longe se
tendit, je sentis que mon corps se deplacait, et, un instant apres,
j'eprouvai une de ces jouissances profondes impossibles a decrire, en me
trouvant degage de mon tombeau de sable. Un cri de joie s'echappa de ma
poitrine. Je m'elancai vers mon cheval, je lui jetai mes deux bras autour
du cou; je l'embrassai avec autant de delices que s'il eut ete une
charmante jeune fille. Il repondit a mes embrassements par un petit cri
plaintif qui me prouva qu'il m'avait compris. Je me mis en quete de mon
rifle. Heureusement qu'il n'etait pas tres-enfonce, et je pus le ravoir.
Mes bottes etaient restees dans le sable; mais je ne m'arretai point a les
chercher. La place ou je les avais perdues m'inspirait un sentiment de
profonde terreur.
Sans plus attendre, je quittai les bords de l'arroyo, et, montant a cheval
je me dirigeai au galop vers la route. Le soleil etait couche quand
j'arrivai au camp, ou je fus accueilli par les questions de mes compagnons
etonnes:
--Avez-vous trouve beaucoup de chevres? Ou sont donc vos bottes?--Est-ce a
la chasse ou a la peche que vous avez ete?
Je repondis a toutes ces questions en racontant mon aventure, et cette
nuit-la encore je fus le heros du bivouac.
V
SANTA-FE.
Apres avoir employe une semaine a gravir
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