iverses couleurs,
eclairait faiblement. A mesure que l'expedition avait avance dans le
nord, elle avait pu contempler plusieurs fois cette merveille des
regions polaires que l'on appelle l'aurore boreale. Presque tous les
soirs, le ciel parait en feu avec des dispositions de lumiere qui
varient et changent d'instant en instant. Tantot, l'on voit les degres
d'un portique qui va se perdre dans le sommet des nuages; quelques
minutes apres, les lueurs paraissent comme des colonnes d'albatre qui se
mettent en mouvement et se croisent en formant des losanges de feu. A
certains moments, tout s'eteint, puis les lueurs reapparaissent avec
des combinaisons nouvelles. Quelquefois, on apercoit comme un immense
eventail offrant plusieurs cercles d'ou s'echappent des rayons de feu
qui eclatent dans l'immensite comme des fusees d'artifice. Voila ce que
l'on pouvait contempler presque chaque soir. Ce sont les particularites
que l'on observe encore aujourd'hui, et qui viennent rompre la monotonie
des longues nuits du pole.
L'heure etant venue, le capitaine de Troyes prit les dispositions
necessaires pour n'etre pas surpris lui-meme. Il placa une vingtaine
d'hommes a la garde des canots, puis il s'avanca avec le reste du
detachement.
Pour expliquer ce qui se passa, M. de La Potherie a donne une
description tres detaillee du fort;
A trente pas de la riviere, sur une petite hauteur, etait un carre
de palissades de cent pieds de facade sur le fleuve et de dix-huit
pieds de hauteur, avec des bastions a chaque angle.
Les bastions, revetus de forts madriers, avaient en dedans une
terrasse assez large pour placer des tirailleurs. Dans les bastions,
il y avait plusieurs canons d'environ six livres de balles. Au
milieu de la facade, il y avait une porte epaisse d'un demi-pied,
garnie de clous et de ferrements pour qu'on ne put l'entamer avec la
hache.
Au milieu de l'enceinte s'elevait une redoute de troncs d'arbres
assembles et poses piece sur piece. La redoute avait trente pieds de
longueur et autant de hauteur, avec trois etages et vingt-huit pieds
de profondeur. Au sommet, il y avait un parapet et des embrasures
pour les canons de la plate-forme.
Le commandant fit approcher, au milieu des tenebres, deux canots charges
de madriers, de pioches et d'un belier, tandis que les hommes montaient
par un chemin enseveli sous les rochers et les arbres. [12]
[Note 12: L'on remarque e
|