onca que le fort etait
semblable aux deux autres. Il etait sur une hauteur, a quarante pas du
bord de l'eau, et environne d'un fosse en ruines.
Au centre d'une palissade, s'elevait une redoute de trente pieds de
haut, a plusieurs etages, avec une plate-forme au-dessus; mais il y
avait, de plus qu'aux autres forts, une artillerie considerable: quatre
canons dans chaque bastion, et 25 ou 30 dans le corps principal, places
aux differents etages.
Le chevalier de Troyes, sachant que son arrivee avait ete signalee,
voulut proceder par voie de conciliation. Il envoya demander au
gouverneur qu'il voulut bien lui remettre trois Francais qui etaient
detenus dans la place. Le gouverneur, qui ne savait pas a quels ennemis
redoutables il avait affaire, ne voulut repondre que d'une maniere
evasive. Aussitot le chevalier de Troyes decida de recourir a la force.
Il fit etablir une batterie de dix canons de l'autre cote de la riviere,
sur une hauteur, dans des buissons, et puis il attendit le soir. Alors,
ayant reconnu avec sa longue-vue que le gouverneur s'etait retire, avec
sa famille, dans sa chambre, qui etait sur la facade, il demasqua sa
batterie, et envoya une volee sur la table du gouverneur. Tout fut mis
sens dessus dessous, mais il n'y eut heureusement personne de blesse.
L'on continua a tirer, et en moins de cinq quarts d'heure, on tira pres
de cent cinquante coups de canon, qui criblerent tout le fort.
Les Canadiens, voyant que tout allait bien, se mirent a crier: Vive le
roi! L'on entendit en meme temps des voix sourdes qui semblaient sortir
du soubassement du fort qui en faisaient autant: c'etaient les assieges,
qui s'etaient retires dans les caves, et qui, ne voulant pas se risquer
a aller sur la plate-forme pour amener le pavillon, avaient fait tous
ensemble ce signal, pour faire connaitre qu'ils voulaient se rendre.
Les Canadiens ne comprirent pas le sens de ces acclamations, et ils se
preparerent a renouveler l'attaque.
Ayant tire tous leurs boulets, ils s'occuperent a en faire de nouveaux
avec leur moule, lorsqu'on entendit les tambours du fort qui battaient
la chamade. Aussitot on vit paraitre un homme avec un pavillon blanc,
qui s'embarquait dans une chaloupe.
Le chevalier recut l'envoye avec courtoisie, et sur son invitation, il
se rendit a mi-chemin du fort, ou il trouva le gouverneur. Celui-ci
avait fait porter avec lui du vin d'Espagne, et, apres avoir bu a
la sante des deux rois, on s'occupa d'a
|