ourrait pas apres les mirages qui l'avaient
entraine!
Jeune, c'etait sans regret qu'il avait quitte cette maison, se croyant
appele a de glorieuses destinees; maintenant allait-il pouvoir reprendre
place sous son toit, et jusqu'a la mort la garder? Quel soulagement, et
quel repos!
Jusqu'a une heure avancee de la soiree, il suivit ce reve, plus hardi
avec lui-meme qu'il n'avait ose l'etre en ecrivant a sa femme, se
repetant sans cesse les derniers mots de ses cousins, et se demandant
s'il n'etait pas possible qu'au moment de la mort Gaston eut reellement
repare ce qu'il avait reconnu etre une erreur.
Toute la nuit il dormit avec cette idee, et le matin, au soleil levant,
il etait dans les prairies, pour prendre possession de ces terres deja
siennes.
On a souvent discute sur les excitants de l'esprit; a coup sur, il n'en
est pas qui provoque plus fortement l'imagination que l'espoir d'un
heritage prochain. Bien que peu sensible au gain, Barincq n'echappa pas
a cette fievre, et, pendant les trois jours qui s'ecoulerent avant la
levee des scelles, on le vit du matin au soir passer et repasser par les
chemins, et les sentiers qui desservent le domaine; les terres arables,
il les amenderait par des engrais chimiques; les vignes mortes ou
malades, il les arracherait et les transformerait en prairies
artificielles: les prairies naturelles, il les irriguerait au moyen de
barrages dont il dessinait les plans; ce serait une transformation
scientifique, en peu de temps le revenu de la terre serait certainement
double, s'il n'etait pas triple: c'est surtout pour ce qu'il ne connait
pas, que l'esprit d'invention se revele inepuisable et genial.
Pour suivre le double jeu qu'il avait adopte, le notaire Rebenacq
s'etait mis a la disposition de Barincq afin de proceder a l'inventaire
au jour que celui-ci choisirait, mais, ce jour fixe, il s'etait empresse
d'ecrire au capitaine Sixte pour l'avertir qu'il eut a se presenter au
chateau, "s'il croyait avoir interet a le faire".
A cette communication, le capitaine avait repondu qu'il etait fort
surpris qu'on lui adressat une pareille invitation: en quelle qualite
assisterait-il a cet inventaire? dans quel but? c'etait ce qu'il ne
comprenait pas.
Aussitot que le notaire eut recu cette lettre, il la porta a son ancien
camarade.
--Voici le moyen que j'ai employe pour demander au capitaine s'il avait
un testament, sans le lui demander franchement; sa reponse prouve qu'il
n'en a
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