s parti avant la fin! Tu n'y
entends rien, mon cher; tu ne sais pas que c'est le meilleur moment. On
se place adroitement a la sortie, on jette son devolu sur une fille mal
gardee, on lui offre le bras, elle accepte. Vous la reconduisez jusque
chez elle, vous avez pour elle mille petits soins durant le trajet: vous
lui offrez, votre manteau, elle en accepte la moitie; vous la soulevez
dans vos bras pour traverser le ruisseau. Si un chien passe aupres
d'elle dans l'obscurite, elle se presse contre vous d'un petit air
effraye, sous pretexte qu'elle a grand'peur des chiens enrages; vous la
rassurez, et vous brandissez votre canne en elevant la voix de maniere
a reveiller toute la rue. Si le chien a l'air de n'etre pas belliqueux,
vous pouvez meme aller jusqu'a l'assommer d'un grand coup de pied en
passant; cela fait bien et donne l'air crane. Surtout evitez de jurer;
la grisette hait tout ce qui sent le paysan. Ne gardez pas votre pipe a
la bouche en lui donnant le bras; elle est exigeante et veut du respect.
Glissez-lui un compliment agreable de temps en temps, en procedant
toujours par comparaison; par exemple, dites: Mademoiselle une telle est
bien jolie, c'est dommage qu'elle soit si pale; ce n'est pas une rose du
mois de mai comme vous. Si votre belle est pale, parlez d'une personne
un peu trop enluminee, et dites que les grosses couleurs donnent l'air
d'une servante. Mais surtout choisissez dans la premiere societe les
beautes que vous voulez denigrer; votre compliment sera deux fois mieux
accueilli. Enfin, au moment de quitter votre infante, prenez un air
respectueux, et demandez-lui la permission de l'embrasser. Des qu'elle
aura consenti, redoublez de civilite et embrassez-la le chapeau a la
main; aussitot apres saluez jusqu'a terre. Gardez-vous bien de baiser la
main, on se moquerait de vous. Replacez-lui son chale sur les epaules;
louez sa taille, mais n'y touchez pas. Faites ce metier-la cinq ou six
jours de suite; apres quoi vous pouvez tout esperer.
--Et cela suffit pour etre prefere a un amant en titre?
--Bah! quand on n'a peur de rien, quand on ne doute de rien, on arrive a
tout. D'ailleurs je ne te dis pas d'aller te mettre en concurrence avec
un de ces gros corroyeurs qui sont accoutumes a charger des boeufs sur
leurs epaules, ni avec un de ces fils de fermier qui ont toujours a la
main un baton de cormier ou un brin de houx de la taille d'un mat de
vaisseau. Non, il y a assez de freluquets auxquels on p
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