tacher les yeux; mais
c'est que cela me fait penser a des milliers de choses.
--Oh! c'est que vous etes savante, vous, Justine; vous etes bien
heureuse! Mais dites-moi donc a quoi les etoiles vous font penser:
j'aurai peut-etre eu les memes idees sans pouvoir m'en rendre compte.
--Mais, dit Justine, a quoi ne pense-t-on pas en regardant ces milliards
de mondes, aupres desquels le notre n'est qu'une tache lumineuse de plus
dans l'espace?
Genevieve s'arreta tout etonnee et regarda Justine, attendant avec
impatience qu'elle s'expliquat davantage.
Andre s'etait imagine, en voyant le beau front de Genevieve plein
d'intelligence, et en ecoutant son langage toujours si raisonnable et
si pur, qu'elle devait savoir toutes choses, et l'idee de sa propre
inferiorite l'avait rendu jusque-la timide et tremblant devant elle.
Il fut donc surpris a son tour, et chercha dans les grands yeux de
Genevieve la cause de cet etonnement naif.
--Est-ce que tu ne sais pas, dit Justine, qui n'etait pas fachee de
deployer son petit savoir, que toutes ces lumieres, comme tu les
appelles, sont autant de soleils et de mondes?
--Oh! j'ai entendu parler de cela a Paris par une de mes compagnes qui
avait un livre... mais je prenais tout cela pour des reves... et je
ne peux pas croire encore... Dites-nous donc ce que vous en pensez,
monsieur Andre.
Cette interpellation fit sur Andre un effet singulier. Il venait d'etre
presque choque de l'ignorance de Genevieve; il se sentit tout a coup
comme attendri. Jusque-la son amour avait ete dans sa tete; il lui
sembla qu'il descendait dans son coeur. Il regarda Genevieve a la faible
clarte du ciel etoile: il distinguait a peine ses traits; mais une
blancheur incomparable faisait ressortir sa figure ovale sous ses
cheveux noirs, et une serenite angelique semblait resider sur ce visage
delicat et pale. Andre fut si emu qu'il resta quelques instants sans
pouvoir repondre. Enfin il lui dit d'une voix alteree: "Oui, je crois
que notre monde n'est qu'un lieu de passage et d'epreuve, et qu'il y a
parmi tous ceux que vous voyez au ciel quelque monde meilleur ou les
ames qui s'entendent peuvent se reunir et s'appartenir mutuellement."
Genevieve s'arreta encore et le regarda a son tour comme elle avait
regarde Justine. Tout ce qu'on lui disait lui semblait obscur; elle en
attendait l'explication.
--Croyez-vous donc, lui dit Andre, que tout s'acheve ici-bas?
--Oh! non, dit-elle, je crois en Dieu et en
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