combien, sans cet amour, je serais
reste malheureux.
Alors Andre, encourage par le regard doux et attentif de Genevieve,
lui raconta les ennuis de sa jeunesse, lui peignit la situation de son
esprit et de son coeur avant le jour ou il l'avait vue pour la premiere
fois au bord de la riviere. Il lui raconta aussi l'amour qu'il avait eu
pour elle depuis ce jour-la, et Genevieve n'y comprit rien.
--Comment cela peut-il se passer dans la tete d'une personne raisonnable?
lui dit-elle. J'ai souvent entendu lire a Paris, dans notre atelier,
des passages de roman qui ressemblaient a cela; mais je croyais que les
livres avaient seuls le privilege de nous amuser avec de semblables
folies.
--Ah! Genevieve, lui dit Andre tristement, il y a dans votre ame une
etincelle encore enfouie. Vous avez la candeur d'un enfant, et ce qu'il
y a de plus cruel et de plus doux dans la vie, vous l'ignorez! Ce qu'il
y a de plus beau en vous-meme, rien ne vous l'a encore revele. C'est que
vous n'avez pas encore entendu une voix assez pure pour vous charmer et
vous convaincre; c'est que l'amour n'a parle devant vous qu'une langue
grossiere ou puerile. Oh! qu'il serait heureux celui qui vous ferait
comprendre ce que c'est qu'aimer! Si vous l'ecoutiez, Genevieve, s'il
pouvait vous initier a ces grands secrets de l'ame comme a une merveille
de plus dans les oeuvres du Tout-Puissant, il vous le dirait a genoux,
et il mourrait de bonheur le jour ou vous lui diriez:--J'ai compris.
Genevieve regarda Andre en silence comme le jour ou il lui avait parle
pour la premiere fois des etoiles et de la pluralite des mondes; elle
pressentait encore un monde nouveau, et elle cherchait a le deviner
avant d'y engager son coeur. Andre vit sa curiosite, et il espera.
--Laissez-moi vous expliquer encore ce mystere. Je n'oserai guere parler
moi-meme, je serais trop au-dessous de mon sujet; mais je vous lirai
les poetes qui ont su le mieux ce que c'est que l'amour, et si vous
m'interrogez, mon coeur essaiera de vous repondre.
--Et pendant ce temps, lui dit Genevieve en souriant, les medisants se
tairont! on les priera d'attendre, pour recommencer leurs injures, que
j aie appris ce que c'est que l'amour, et que je puisse leur dire si je
vous aime ou non.
--Non, Genevieve, on leur dira des demain que je vous adore, que vous
avez un peu d'amitie pour moi, que je demande a vous epouser, et que
vous y consentez.
--Mais si l'amour ne me vient pas? dit Genevieve.
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