dit Genevieve; mais il
y avait dans ma chambre un rayon de soleil qui me brulait les yeux,
et qui, je crois, m'a donne la fievre. Je ne sais pas comment j'ai pu
travailler et penser a tant de choses en meme temps. Voyons donc cette
rose; je ne sais pas comment elle est.
--C'est une chose aussi belle dans son genre, repondit Andre, que
l'oeuvre d'un grand maitre; c'est la nature rendue dans toute sa verite
et dans toute sa poesie. Quelle grace dans ces petales mous et pales!
quelle finesse dans l'interieur de ce calice! quelle souplesse dans tout
ce travail! quelles etoffes merveilleuses employez-vous donc pour cela,
Genevieve? Certainement les fees s'en melent un peu!
--Les demoiselles de la ville me font present de leurs plus fins
mouchoirs de batiste quand ils sont uses, et avec de la gomme et de la
teinture...
--Je ne veux pas savoir comment vous faites, ne me le dites pas; mais
donnez-moi cette rose et ne mettez pas votre bonnet.
--Vous etes fou aujourd'hui! prenez cette rose: c'est en effet la
meilleure que j'aie faite. Je ne pensais pas a vous en la faisant.
Andre la regarda d'un air boudeur et vit sur sa figure une petite
grimace moqueuse. Il courut apres elle et la saisit au moment ou elle
lui jetait la porte au nez. Quand il la tint dans ses bras, il fut fort
embarrasse; car il n'osait ni l'embrasser ni la laisser aller. Il vit
sur son epaule ses beaux cheveux, qu'il baisa.
"Quel etre singulier! dit Genevieve en rougissant. Est-ce qu'on a jamais
baise des cheveux?"
XII.
On pense bien qu'Andre dans ses nouvelles lecons ne s'en tint pas a la
seule science. Ses regards, l'emotion de sa voix, sa main tremblante en
effleurant celle de Genevieve, disaient plus que ses paroles. Peu a
peu Genevieve comprit ce langage, et les battements de son coeur y
repondirent en secret. Apres lui avoir revele les lois de l'univers
et l'histoire des mondes, il voulut l'initier a la poesie, et par la
lecture des plus belles pages sut la preparer a comprendre Goethe, son
poete favori. Cette education fut encore plus rapide que la precedente.
Genevieve saisissait a merveille tous les cotes poetiques de la vie.
Elle devorait avec ardeur les livres qu'Andre prenait pour elle dans la
petite bibliotheque de M. Forez. Elle se relevait souvent la nuit pour
y rever en regardant le ciel. Elle appliquait a son amour et a celui
d'Andre les plus belles pensees de ses poetes cheris; et cette
affection, d'abord paisible et douc
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