elancer dans les regions inconnues, le questionnait avec
vivacite. Andre voulut, pour lui rendre ses dissertations plus claires,
remonter au principe des choses, lui expliquer la forme de la terre, la
difference des climats, l'influence de l'atmosphere sur la vegetation,
les diverses regions ou les vegetaux peuvent vivre, depuis le pin des
sommets glaces du Nord jusqu'au bananier des Indes brulantes. Mais ce
cours de geographie botanique effrayait l'imagination de Genevieve.
--Oh! mon Dieu! s'ecria-t-elle a plusieurs reprises, la terre est donc
bien grande?
--Voulez-vous en prendre une idee? lui dit Andre; je vous apporterai
demain un atlas; vous apprendrez la geographie et la botanique en meme
temps.
--Oui, oui, je le veux! dit vivement Genevieve; et puis elle songea a
ses resolutions, hesita, voulut se retracter et ceda encore, moitie au
chagrin d'Andre, moitie a l'envie de voir s'entr'ouvrir les feuillets
mysterieux du livre de la science.
Elle revint donc le lendemain, non sans avoir livre un rude combat a sa
conscience; mais cette fois la lecon fut si interessante! Le dessin de
ces mers qui enveloppent la terre, le cours de ces fleuves immenses, la
hauteur de ces plateaux d'ou les eaux s'epanchent dans les plaines,
la configuration de ces terres echancrees, entassees, disjointes,
rattachees par des isthmes, separees par des detroits; ces grands lacs,
ces forets incultes, ces terres nouvelles apercues par des voyageurs,
perdues pendant des siecles et soudainement retrouvees, toute cette
magie de l'immensite jeta Genevieve dans une autre existence. Elle
revint aux Pres-Girault tous les jours suivants, et souvent le soleil
commencait a baisser quand elle songeait a s'arracher a l'attrait de
l'etude. Andre goutait un bonheur ineffable a realiser son reve et a
verser dans cette ame intelligente les tresors que la sienne avait
receles jusque-la sans en connaitre le prix. Son amour croissait de
jour en jour avec les facultes de Genevieve. Il etait fier de l'elever
jusqu'a lui et d'etre a la fois le createur et l'amant de son Eve.
Leurs matinees etaient delicieuses. Libres et seuls dans une prairie
charmante, tantot ils causaient, assis sous les saules de la riviere;
tantot ils se promenaient le long des sentiers bordes d'aubepines. Tout
en devisant sur les mondes inconnus, ils regardaient de temps en temps
autour d'eux, et, se regardant aussi l'un l'autre, ils s'eveillaient des
magnifiques voyages de leur imagin
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