rent ou se tinrent un
instant pres d'elle dans une attitude si altiere et avec un silence si
glacial que Genevieve comprit son arret. Pour eviter d'affliger la bonne
Justine, elle feignit de ne pas s'en affecter elle-meme et se retira
sous pretexte d'un travail qu'elle avait a terminer. A peine etait-elle
seule et commencait-elle a reflechir a sa situation, qu'elle entendit
frapper a sa porte, et qu'elle vit entrer Henriette avec un visage
compose et une espece de toilette qui annoncait une intention
ceremonieuse et solennelle dans sa visite. Genevieve etait fort pale, et
meme l'emotion qu'elle venait d'eprouver lui causait des suffocations:
elle fut tres-contrariee de ne pouvoir etre seule, et, de son cote, elle
se composa un visage aussi calme que possible; mais Henriette etait
resolue a ne tenir aucun compte de ses efforts, et, apres l'avoir
embrassee avec une affectation de tendresse inusitee, elle la regarda en
face d'un air triste, en lui disant:
--Eh bien?
--Eh bien, quoi? dit Genevieve, a qui la fierte donna la force de
sourire.
--Te voila revenue? reprit Henriette du meme ton de condoleance.
--Revenue de quoi? que veux-tu dire?
--On dit qu'elles se sont conduites indignement... Ah! c'est une
horreur! Mais, va, sois tranquille, nous te vengerons; nous savons aussi
bien des choses que nous dirons, et les plus begueules auront leur
paquet.
--Doucement! doucement! dit Genevieve; je ne te demande vengeance contre
personne et je ne me crois pas offensee.
--Ah! dit Henriette avec un mouvement de satisfaction mechante que son
amitie pour Genevieve ne put lui faire reprimer, il est bien inutile
de m'en faire un secret; je sais tout ce qui s'est passe; il y a assez
longtemps que j'entends comploter l'affront qui t'a ete fait. Ces belles
demoiselles ne cherchaient qu'une occasion, et tu as ete au-devant
de leur mechancete avec bien de la complaisance. Voila ce que c'est,
Genevieve, de vouloir sortir de son etat! Si tu n'avais jamais frequente
que tes pareilles, cela ne te serait pas arrive. Non, non, ce n'est pas
parmi nous que tu aurais ete insultee; car nous savons toutes ce que
c'est que d'avoir une faiblesse, et nous sommes indulgentes les unes
pour les autres. Le grand crime en effet que d'avoir un amant! Et toutes
ces princesses-la en ont bien deux ou trois! Nous leur dirons leur fait.
Laisse-les faire, nous aurons notre tour.
Genevieve se sentit si offensee de ces consolations, qu'elle faillit
se
|