t les parents furent rentres chez eux satisfaits et
malades, elle invita ses amies d'enfance a venir diner sur l'herbe, a
une metairie qui lui avait servi de dot, et qui etait situee aupres de
la ville. Ces jeunes personnes faisaient toutes partie de la meilleure
bourgeoisie de la province; neanmoins Genevieve y fut invitee. Ce
n'etait pas la premiere fois que ses manieres distinguees et sa conduite
irreprochable lui valaient cette preference. Deja plusieurs familles
honorables l'avaient appelee a leurs reunions intimes, non pas, comme
ses compagnes, a titre d'ouvriere en journee, mais en raison de l'estime
et de l'affection qu'elle inspirait. Toute la severe etiquette derriere
laquelle se retranche la societe bourgeoise aux jours de gala, pour se
venger des mesquineries forcees de sa vie ordinaire, s'etait depuis
longtemps effacee devant le merite inconteste de la jeune fleuriste:
elle n'etait regardee precisement ni comme une demoiselle ni comme une
ouvriere, le nom intact et pur de Genevieve repondait a toute objection
a cet egard. Genevieve n'appartenait a aucune classe et avait acces dans
toutes.
Mais cette gloire acquise au prix de toute une vie de vertu, cette
position brillante ou jamais aucune fille de condition n'avait ose
aspirer, Genevieve l'avait perdue a son insu; elle etait devenue
savante, mais elle ignorait encore a quel prix.
Justine Marteau, aimable et bonne fille, etrangere aux caquets de la
ville, lui fit le meme accueil qu'a l'ordinaire; mais les autres jeunes
personnes, au lieu de l'entourer, comme elles faisaient toujours, pour
l'accabler de questions sur la mode nouvelle et de demandes pour
leur toilette, laisserent un grand espace entre elles et la place ou
Genevieve s'etait assise. Elle ne s'en apercut pas d'abord; mais le soin
que prit Justine de venir se placer aupres d'elle lui fit remarquer
l'abandon des autres et l'espece de mepris qu'elles affectaient de
lui temoigner. Genevieve etait d'une nature si peu violente qu'elle
n'eprouva d'abord que de l'etonnement; aucun sentiment d'indignation ni
meme de douleur ne s'eveilla en elle. Mais lorsque le repas fut fini,
plusieurs demoiselles, qui semblaient n'attendre que le moment de fuir
une si mauvaise compagnie, demanderent leurs bonnes et se retirerent;
les autres se diviserent par groupes et se disperserent dans le jardin,
en evitant avec soin d'approcher de la reprouvee. En vain Justine
s'efforca d'en rallier quelques-unes: elles s'enfui
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