ntent d'avoir une raison a donner! C'est une
infamie, la maniere dont on te traite. Les hommes sont peut-etre
encore plus dechaines contre toi que les femmes. C'est incroyable!
Ordinairement les hommes nous defendent un peu pourtant; eh bien! ils
sont tous tes ennemis; ils disent que ce n'etait pas la peine de faire
tant la dedaigneuse pour ecouter ce petit monsieur parce qu'il est noble
et qu'il parle latin. J'ai beau leur dire qu'il te fait la cour dans de
bonnes intentions, qu'il t'epousera. Ah! bah! ils secouent la tete en
disant que les marquis n'epousent pas les grisettes.--Car, apres tout,
disent-ils, Genevieve la savante est une grisette comme les autres. Son
pere etait menetrier, et sa mere faisait des gants; sa tante allait chez
les bourgeois raccommoder les vieilles dentelles, et sa belle-soeur est
encore repasseuse de fin a la journee.
--Tout cela n'est pas bien mechant, dit Genevieve; je ne vois pas en
quoi j'en puis etre blessee. Apres tout, qu'importe a ces messieurs que
je me marie avec un marquis ou que je reste Genevieve la fleuriste? Si
les visites de M. de Morand me font du tort, qui donc a le droit de s'en
plaindre? Quel motif de ressentiment peut-on avoir contre moi? A qui
ai-je jamais fait du mal?
--Ah! ma pauvre Genevieve! c'est bien a cause de cela: c'est qu'on sait
que tu es bonne et qu'on ne te craint pas. On n'oserait pas m'insulter
comme on t'a insultee aujourd'hui; on sait bien que j'ai bec et ongles
pour me defendre, et on ne se risquerait pas a jeter de trop grosses
pierres dans mon jardin, tandis qu'on en jette dans tes fenetres et
qu'un de ces jours on te lapidera dans les rues. Pauvre agneau sans
mere, toi qui vis toute seule dans un petit coin sans menacer et sans
supplier personne, on aura beau jeu avec toi!
--Ma chere amie, je vois que vous vous affectez du mal qu'on essaie de
me faire. Vous etes bien bonne pour moi; mais vous l'auriez ete
encore davantage si vous ne m'aviez pas appris toutes ces mauvaises
nouvelles... Je ne les aurais peut-etre jamais sues...
--Tu te serais donc bouche les oreilles? car tu n'aurais pas pu
traverser la rue sans entendre dire du mal de toi; et quand meme tu
aurais ete sourde, cela ne t'aurait servi a rien; il aurait fallu
etre aveugle aussi pour ne pas voir un rire malhonnete sur toutes les
figures. Ah! Genevieve! tu ne sais pas ce que c'est que la calomnie.
Je l'ai appris plusieurs fois a mes depens!... et je te plains, ma
petite!... Mais j'
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