e, et je ne serai pour personne un sujet de trouble
et de scandale.
Genevieve fut affligee de l'entendre s'exprimer d'un ton froid et
blesse. Sa douceur et sa sensibilite naturelles parlerent plus vite que
sa raison.
"J'aimerais mieux, dit-elle, recevoir ces explications de vous
directement: je comprendrais plus vite et je pourrais vous remercier
moi-meme de votre complaisance. Je ne sais pas comment il me deviendra
possible de recevoir vos avis; mais j'en chercherai le moyen... S'il me
faut y renoncer, croyez que j'en aurai du regret, et que je conserverai
de la reconnaissance pour vous."
Elle s'arreta toute troublee, et Andre se sentit si emu qu'il craignit
de se mettre a pleurer devant elle. C'est pourquoi il se retira
precipitamment, en faisant de profonds saluts et en attachant sur elle
des regards pleins de douleur et de tendresse.
Quand il fut sorti, Genevieve se laissa tomber sur une chaise, mit les
deux mains sur son coeur et le sentit battre avec violence. Alors,
epouvantee de ce qu'elle eprouvait et n'osant s'interroger elle-meme,
elle se jeta a genoux, et demanda au ciel de lui laisser le calme dont
elle avait joui jusqu'alors.
Elle fut presque malade le reste de la journee, et ne toucha point au
frugal diner qu'elle avait prepare elle-meme comme a l'ordinaire.
Vers le soir, elle s'enveloppa de son petit chale et alla se promener
derriere la ville, dans un lieu solitaire ou elle etait sure de pouvoir
rever en liberte. Quand la nuit vint, elle s'assit sur une eminence
plantee de nefliers, et elle contempla le lever de ces astres dont Andre
lui avait explique la marche. Peu a peu ses idees prirent un cours
extraordinaire, et les connaissances nouvelles que la conversation
d'Andre lui avait revelees porterent son esprit vers des pensees plus
vagues, mais plus elevees. Lorsqu'elle revint sur elle-meme, elle
s'etonna de trouver a ses agitations de la journee moins d'importance
qu'elle ne l'avait craint d'abord. Elle ressentait deja l'effet de
ces contemplations ou l'ame semble sortir de sa prison terrestre et
s'envoler vers des regions plus pures; mais elle ne se rendait raison
d'aucune de ces impressions nouvelles, et marchait dans ce pays inconnu
avec la surprise et le doute d'un enfant qui lit pour la premiere fois
un conte de fees.
Genevieve n'etait point romanesque; elle n'avait jamais desire d'aimer
ou d'etre aimee. Elle ne pensait aux passions qu'avec crainte, et
s'etait promis de s'y soustra
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